Onco-Digestif

Cancer colorectal : validation et limites du dépistage par l’ADN circulant dans le sang

Un test sanguin ciblant la méthylation de l’ADN tumoral circulant montre une sensibilité de 79 % et une spécificité de 91 % pour le dépistage du cancer colorectal dans l’étude PREEMPT-CRC. Son faible rendement sur les lésions précancéreuses réserve son intérêt au rattrapage des personnes qui refusent coloscopie et tests fécaux.

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  • 04 Jun 2025
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    Le cancer colorectal (CCR) demeure la deuxième cause de mortalité par cancer aux États-Unis : 42 % des adultes de 45–75 ans ne sont pas dépistés, car rebutés par le caractère invasif de la coloscopie, ses contraintes (arrêt de travail, transport) ou l’aversion pour la manipulation des selles. Le test PREEMPT-CRC, qualitatif, recourt au séquençage de nouvelle génération pour détecter, dans 10 mL de plasma, des profils CpG méthylés associés aux CCR et aux lésions précancéreuses avancées.

    Selon les résultats présentés au congrès 2025 de l’ASCO et publiés conjointement dans le JAMA, Entre mai 2020 et avril 2022, 27 010 patients asymptomatiques à risque moyen (âge médian 57 ans ; 55,8 % de femmes) ont été inclus dans 201 centres répartis dans 49 États américains et aux Émirats arabes unis, avec coloscopie de référence réalisée dans les 30 jours. La sensibilité globale de l’ADN circulant pour le CCR atteint 79,2 % (57/72 ; IC à 95 : 68,4-86,9) et la spécificité pour toute néoplasie avancée 91,5 % (22 306/24 371 ; IC à 95 : 91,2-91,9), dépassant les seuils prédéfinis de validation.

    La valeur prédictive positive pour une néoplasie avancée demeure faible

    La performance varie selon la charge tumorale : la sensibilité est de 57,1 % pour les CCR de stade I, de 82,4 % pour le stade III et de 100 % pour les stades II et IV. En revanche, la détection des lésions précancéreuses avancées reste limitée à 12,5 % (321/2567), bien qu’atteignant 29,1 % pour les adénomes à dysplasie de haut grade mais réduite à 7,6 % pour les lésions sessiles dentelées.

    La valeur prédictive négative pour une néoplasie avancée est élevée (90,8 %), confirmant une bonne capacité d’exclusion, mais la valeur prédictive positive demeure faible (15,5 %), impliquant un grand nombre de coloscopies négatives en cas de résultat sanguin positif. Aucun événement indésirable grave, lié aux procédures, n’a été rapporté ; l’acceptabilité du simple prélèvement veineux constitue un atout majeur pour les populations réticentes.

    La détection des lésions précancéreuses avancées reste limitée

    L’essai, transversal et prospectif, a été conduit en double insu : ni les participants ni les endoscopistes et pathologistes ne connaissaient le résultat du test, et le laboratoire ignorait les constatations endoscopiques, limitant les biais de classement. La vérification histologique centralisée confère une forte validité interne. Cependant, l’inclusion volontaire et la sous-représentation de certaines minorités socio-économiques peuvent restreindre l’extrapolation à d’autres contextes, notamment européens.

    Selon un éditorial associé, la détection des lésions précancéreuses avancées restant limitée, ce test sanguin ciblant la méthylation de l’ADN tumoral circulant se positionne plutôt comme « filet de sécurité » : il peut être proposé aux patients qui repoussent systématiquement coloscopie ou tests fécaux, à condition de garantir une coloscopie rapide et tracée en cas de résultat positif. Son faible rendement sur les lésions précancéreuses le prive de l’effet préventif majeur conféré par l’exérèse polypoïde. Il ne doit donc pas être présenté comme une alternative aux stratégies de référence. Les modèles de décision indiquent qu’au moins deux nouveaux dépistés par ce test doivent être gagnés pour trois substitutions afin de ne pas augmenter la mortalité par CCR, un message clé à intégrer dans la décision partagée entre clinicien et patient.

    Les priorités de recherche portent sur l’enrichissement multimodal du signal (mutations, ARN, protéines, métabolites) et sur l’intelligence artificielle pour améliorer la sensibilité vis-à-vis des lésions précancéreuses avancées. Des essais contrôlés, intégrés dans des programmes organisés, devront également mesurer l’impact réel de cette stratégie sur l’incidence et la mortalité du CCR avant toute recommandation large.

     

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