Onco-Digestif
Cancer du foie non résécable : double inhibition des points de contrôle, nouveau standard en 1ère ligne ?
L’association nivolumab–ipilimumab améliore significativement la survie globale (23,7 mois) par rapport à lenvatinib/sorafénib en première ligne du carcinome hépatocellulaire non résécable. Son profil de tolérance reste gérable, mais une vigilance accrue est nécessaire dans les premiers mois de traitement en raison de décès précoces probablement lié au traitement.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
Le carcinome hépatocellulaire (CHC) non résécable demeure une cause majeure de mortalité, avec un pronostic à 5 ans < 5 % en phase avancée. Les inhibiteurs de tyrosine-kinase (sorafénib, linévatinib) prolongent la survie médiane à 12–14 mois, puis les associations anti-PD-L1/anti-angiogéniques (atézolizumab–bévacizumab, durvalumab–trémlimumab) l’ont portée à 16–19 mois, avec un taux de réponse de 20–30 %. Malgré ces progrès, la majorité des patients débute ou rechute rapidement et nécessite d’autres options.
La CheckMate 9DW, essai international randomisé de phase 3, a donc comparé nivolumab (1 mg/kg) + ipilimumab (3 mg/kg) toutes 3 semaines × 4 doses, suivi de nivolumab 480 mg mensuel, versus choix de lenvatinib ou sorafénib, chez 668 patients non traités systémiquement (Child–Pugh A, ECOG 0–1). Selon les résultats publiés dans The Lancet, après un suivi médian de 35,2 mois, la survie globale médiane est de 23,7 mois (IC à 95 % 18,8–29,4) vs 20,6 mois (17,5–22,5) pour les TKIs (HR 0,79 ; p = 0,018), soit le meilleur taux de survie rapporté à ce jour en première ligne.
Très longue durée de réponse médiane
Les taux de survie globale à 24 et 36 mois sont de 49 % vs 39 % et 38 % vs 24 % en faveur de la double inhibition des points de contrôle. Le taux de réponse objective centralisée est de 36 % vs 13 % (p < 0,001), avec une durée de réponse médiane de 30,4 mois vs 12,9 mois. Les courbes de survie et de réponse se croisent précocement (< 6 mois) en raison d’une mortalité accrue liée à l’immunothérapie (4 % vs 0,9 % sous TKIs, majoritairement hépatiques), principalement durant la phase de double inhibition CTLA-4/PD-1.
Les événements indésirables de grade 3–4 sont comparables (41 % vs 42 %), avec 12 décès imputables à la double inhibition des points de contrôle (dont neuf précoces), malgré une sélection de patients. Les suivis qualité de vie et retards de symptômes confortent le bénéfice clinique après la période initiale de risque.
Meilleure réponse mais taux élevé de décès liés au traitement
CheckMate 9DW, multicentrique (163 centres, 25 pays), ouvert, a strictement sélectionné des patients Child–Pugh A, sans invasion porte, ni classe fonctionnelle altérée, assurant la rigueur interne mais limitant la généralisation aux malades plus décompensés. La randomisation stratifiée par étiologie, diffusion tumorale et α-FP renforce la comparabilité. L’immunothérapie bi-checkpoint, validée en seconde ligne, se voit ainsi positionnée en première ligne avec un suivi de 3 ans, gage de durabilité.
Selon un éditorial associé, ce résultat change la donne : même s’il est difficile de comparer des résultats d’études différentes, l’association nivolumab–ipilimumab devient un standard de première intention, surpassant aussi bien lenvatinib que sorafénib, et prolongeant les réponses à plus de 2 ans chez près de la moitié des répondeurs. Cependant, l’incidence des décès précoces impose une sélection rigoureuse et une surveillance étroite en phase initiale, notamment hépatique. Les perspectives incluent l’identification de biomarqueurs prédictifs de risque hématologique ou hépatique, l’évaluation dans les stades BCLC B à plus faible charge tumorale, et la comparaison directe avec les autres schémas immuno-angiogéniques. Enfin, la recherche de combinaisons tripletes (CTLA-4/PD-1/anti-angiogénique) et l’exploration de l’immunogénicité dans les populations porteuses de cirrhose avancée ou d’invasion vasculaire ouvriront de nouvelles voies pour optimiser la prise en charge du CHC non résécable.
Dans une population hautement sélectionnée, les cliniciens doivent noter le taux élevé de décès liés au traitement. Ainsi, à mesure que l'arsenal thérapeutique du carcinome hépatocellulaire non résécable s'élargit, le nivolumab associé à l'ipilimumab pourrait représenter une arme à double tranchant.








