Rhumatologie

Néphropathie lupique : intérêt confirmé mais limité de la déplétion en lymphocytes B

L’obinutuzumab, un anticorps monoclonal anti-CD20 de type II, en sus du traitement standard, améliore la réponse rénale complète dans la néphropathie lupique active, mais le bénéfice reste modéré et les interrogations persistent sur l’optimisation du traitement.

  • BeritK/istock
  • 17 Avril 2025
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    Les lymphocytes B jouent un rôle clé dans la pathogenèse du lupus néphrétique, mais dans l'essai LUNAR (Lupus Nephritis Assessment with Rituximab), le traitement par rituximab n'avait pas amélioré les résultats cliniques après un an de traitement. Malgré les progrès récents dans la prise en charge de la néphropathie lupique avec l’introduction du belimumab et de la voclosporine, les résultats cliniques restent insuffisants chez de nombreux patients.

    Le rationnel d'utilisation de l'obinutuzumab, un anticorps monoclonal anti-CD20 de type II, repose sur une déplétion plus profonde des lymphocytes B que les anticorps anti-CD20 classiques comme le rituximab.

    Dans l'essai de phase III REGENCY, publié dans le New England Journal of Medicine, incluant 271 patients atteints de néphropathie lupique proliférative active recevant de l’obinutuzumab ou un placebo en complément du traitement standard (mycophénolate mofétil et corticoïdes), le critère principal de réponse rénale complète à 76 semaines est atteint chez 46,4 % des patients traités par obinutuzumab contre 33,1 % sous placebo (différence ajustée : 13,4 % ; IC à 95% [2,0–24,8] ; p=0,02).

    Les autres critères corroborent l'intérêt de l'obinutuzumab.

    Une réponse rénale complète à 76 semaines avec une faible dose de prednisone (≤7,5 mg/j entre les semaines 64 et 76) est significativement plus fréquente avec l’obinutuzumab qu’avec le placebo (42,7 % vs 30,9 %, différence ajustée : 11,9 % ; IC à 95% [0,6–23,2] ; p=0,04).

    De même, une réduction notable de la protéinurie (rapport protéine/créatinine <0,8 sans événement intercurrent) est observée chez 55,5 % des patients sous obinutuzumab contre 41,9 % sous placebo (différence ajustée : 13,7 % ; IC à 95% [2,0–25,4] ; p=0,02).

    Côté tolérance, aucun signal inattendu n'a été identifié, mais les événements indésirables graves (principalement infections, incluant des cas liés à la COVID-19) sont plus fréquents sous obinutuzumab.

    Une étude multicentrique randomisée de phase III

    Ces données proviennent de l’essai REGENCY, étude multicentrique randomisée de phase III, où les patients adultes atteints de néphropathie lupique proliférative prouvée par biopsie étaient répartis en groupes recevant obinutuzumab ou placebo en sus du traitement standard. Selon les auteurs, ces résultats confirment que l'ajout précoce d'une déplétion lymphocytaire B profonde à un traitement standard améliore les résultats cliniques, soutenant les recommandations récentes de l’American College of Rheumatology sur l'intérêt d'une triple thérapie précoce. Toutefois, la question du rapport bénéfice-risque persiste, notamment en raison de l'incidence plus élevée d'infections graves et de complications immunologiques avec obinutuzumab.

    Selon un éditorial associé, l'essai REGENCY établit l'obinutuzumab comme l'agent anti-CD20 le plus prometteur chez les patients souffrant de néphropathie lupique, mais il met également en évidence un problème récurrent : environ 40 % des patients ont une réponse à un traitement ciblant les lymphocytes B, tel que le belimumab, qui ne détruit pas les lymphocytes B, et désormais l'obinutuzumab. Cette constatation soulève une question : la réponse au traitement dépend-elle principalement de l'importance de la déplétion des lymphocytes B ou d'autres mécanismes pathologiques sont-ils en jeu ? De plus, le recours à la protéinurie comme marqueur de substitution pourrait conduire à sous-estimer les réponses immunologiques significatives et priver les patients sans inflammation rénale d'un traitement approprié.

    De futurs travaux devront préciser la durée optimale de cette déplétion lymphocytaire B intense et explorer des stratégies de traitement combinées à des agents moins toxiques comme le bélimumab ou les inhibiteurs du complément, ainsi que l'utilisation de biomarqueurs précis pour cibler l'inflammation rénale active.

    En conclusion, l'obinutuzumab enrichit les possibilités thérapeutiques dans la néphropathie lupique active, mais les taux de réponse inférieurs à 50 % soulignent la nécessité d'optimiser les stratégies de traitement, d’affiner l’approche thérapeutique individualisée, et d’évaluer rigoureusement le bénéfice clinique réel par-delà les marqueurs classiques comme la protéinurie.

     

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