Pneumologie

Spirométrie par les médecins généralistes : un long processus d’intégration

 La spirométrie par les médecins généralistes est une pratique en augmentation constante mais encore très insuffisante pour palier le problème du sous diagnostic de la BPCO. Il est nécessaire de mieux structurer une pratique qui subit un très lent processus d’intégration dans le quotidien des médecins généralistes. D’après un entretien avec Anthony CHAPRON.

  • 14 Déc 2023
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    Une étude, dont les résultats sont parus en octobre 2023 dans le npj Primary Care Respiratory Medicine, a fait le point sur la pratique de la spirométrie par les médecins généralistes, en France. Pour cela, les auteurs de ce travail se sont centrés sur une population de patients âgés de 40 à 75 ans, cible prioritaire pour réduire le sous-diagnostic de la BPCO. Ils ont utilisé la base de données du Système National des Données de Santé (SNDS), qui permet de relever les cotations de l’acte de spirométrie. Les auteurs se sont focalisés sur les médecins généralistes exerçant en tant que médecins de famille. Au total, 7,2% des spirométries effectuées en France, l’ont été par des médecins traitants. Deux profils de médecins sont  ressortis : ceux qui ont développé une « expertise » avec une moyenne de 1,5 spirométrie par semaine, et les non-experts, qui en font beaucoup moins. Ces derniers ont été le point d’intérêt de l’étude, qui a analysé l’évolution de leur pratique de la spirométrie entre 2010 et 2018.

     

    Une pratique qui ne répond pas encore à l’enjeu du sous-diagnostic de BPCO

    Le docteur Anthony CHAPRON, médecin généraliste et directeur du Département de Médecine Générale de l’université de Rennes, et auteur de ce travail, explique que le contexte de ce travail est lié au sous-diagnostic de la BPCO en raison des difficultés d’accès à la spirométrie en France, car elle est, à ce jour, principalement réalisée par des pneumologues. Les délais sont longs, la distance à parcourir peut l’être également selon les territoires, les effectifs de pneumologues sont faibles pour couvrir les demandes potentielles. La spirométrie en médecine générale vise à obtenir une spirométrie simple, courbe débit volume avec test de réversibilité le cas échant, pour valider ou non la présence d’un syndrome obstructif, chez des patients avec des facteurs de risque de BPCO, qu’ils soient respiratoires, environnementaux ou professionnels ou encore chez de patients qui présentent de symptômes précoces, comme une toux chronique, par exemple. Anthony CHAPRON explique qu’il était donc essentiel d’évaluer la réalité de la pratique de la spirométrie en soins primaires, en France, réalité qui semble assez différente à l’étranger. Les résultats de l’étude parue en 2023 ont montré que la pratique de la spirométrie a significativement augmenté entre 2010 et 2018 avec 1% de pratique chez les médecins non experts en 2010 versus 2,8% en 2018. Toutefois, Anthony CHAPRON précise que l’on reste sur une pratique qui concerne peu de professionnels et que ces résultats ne répondent pas à l’enjeu du sous-diagnostic de la BPCO, puisque aujourd’hui, encore 75% des patients atteints s’ignorent, alors que ces patients sont au contact régulier des soignants de soins primaires. Il rappelle que des actions de formations continues existent, et que la CNAM a fait une expérimentation en 2017-18 (résultats en attente) sur la spirométrie en médecine générale, dans trois départements (Gironde, Essonne et Pas-de-Calais) afin de savoir si les praticiens équipés et formés s’appropriaient cet outil.

     

    Un besoin de structurer la pratique

    Anthony CHAPRON souligne que ces résultats sont des données chiffrées, fondées sur des profils non experts et une population spécifique. Pour lui, il est essentiel de continuer de promouvoir cette pratique qui s’inscrit dans le même processus de lente intégration que l’ECG en médecine générale, il y a une quarantaine d’années, et qui aujourd’hui est devenu une pratique de routine. Il rappelle également que les dernières recommandations de la HAS autorisent notamment les infirmières de pratique avancées à réaliser la spirométrie. ll estime que un ou deux médecins, par bassin de vie, identifiés comme compétents suffiraient, car plus la pratique est fréquente plus la qualité de l’examen est grande. Cette activité de recours est déjà partiellement engagée puisqu’il existe une proportion non neutre de 25% des cas pour lesquels les médecins qui pratiquent la spirométrie ne sont pas les médecins traitants des patients. Pour Anthony CHAPRON, il est nécessaire de tendre vers cette pratique de recours et de la structurer, sans qu’il soit pour autant nécessaire que tous les médecins généralistes pratiquent la spirométrie.

     

    En conclusion, la pratique de la spirométrie en médecine de ville permettrait de significativement diminuer le sous-diagnostic de BPCO. Il est essentiel de promouvoir et faciliter cette pratique auprès de quelques médecins généralistes et de la rendre aussi simple et routinière que la réalisation d’un ECG ou d’autres actes techniques en cabinet…

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    JDF