Pneumologie

Perte de capacité d’exercice après une embolie pulmonaire : le déconditionnement n’est pas le seul responsable

 La diminution de la capacité d'exercice est fréquente  après une embolie pulmonaire. le déconditionnement n'est pas la première cause. D’authentiques anomalies des capacités respiratoires, caractéristiques de l’embolie pulmonaire en sont également à l’origine. D’après un entretien avec Bruno DEGANO.

  • 15 Jun 2023
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    Une étude, dont les résultats sont parus en mars 2023, dans l’European Respiratory Journal, a cherché à démontrer que la diminution des capacités d’exercice après une embolie pulmonaire n’était pas seulement liée au déconditionnement et que des anomalies objectives pouvaient en être également responsables. Pour comprendre ces mécanismes physiopathologiques,  Les auteurs sont partis du postulat que l’épreuve d’effort peut fournir des informations pronostiques utiles après un épisode d’embolie pulmonaire aigue. Il s’agit d’une étude de cohorte prospective pour laquelle 396 patients ont été inclus. Ils ont tous été atteints par une embolie pulmonaire et suivis à 3 et 12 mois après l’épisode aigu. Les auteurs ont défini le déconditionnement comme un pic de VO2 inférieur à 80%, sans autre anomalie. Il sont également défini les anomalies objectives comme une inefficacité ventilatoire et une fonction cardiaque droite altérée. Ils ont ensuite évalué la limitation de l’exercice, les anomalies cliniques, échocardiographiques et de qualité de vie.

     

     

    Des anomalies objectives observées après l’embolie pulmonaire

     

    Le professeur Bruno DEGANO, chef du service de pneumologie du Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, rappelle qu’après une embolie pulmonaire aigüe, un grand nombre de patients ont des symptômes ou des anomalies objectives de la capacité d’exercice. Jusque-là, le mode de pensée était que cela était dû au déconditionnement mais le niveau de preuve était moyen, apporté par des études avec de petits effectifs avaient tenté de le démontrer. Bruno DEGANO précise qu’il existe d’authentiques anomalies des capacités respiratoires après une embolie pulmonaire, expliquée par le fait que qu’il existe des zones ventilées mais pas totalement perfusées, ce qui provoque une inefficacité ventilatoire. Globalement, les patients respirent normalement mais font ventiler des zones pulmonaires non irriguées. De plus, le cœur n’éjecte pas un volume d’oxygène suffisant, car la fonction cardiaque droite est altérée. Ces anomalies objectives montrent donc que la diminution des capacités d’exercice après une embolie pulmonaire n’est pas seulement due au déconditionnement. Bruno DEGANO souligne également que près de la moitié des sujets ayant eu une embolie pulmonaire présentent des anomalies d’exercice 3 à 12 mois après et 10% d’entre eux ont des anomalies sévères.

     

    Mais un manque de compréhension fine des mécanismes physiopathologiques

     

    Bruno DEGANO précise que le volumineux effectif de cette étude apporte, à la fois, une force et une faiblesse aux résultats car même si les signaux sont positifs, les résultats manquent de précision. De plus, il existe des facteurs confondants  qui peuvent biaiser les résultats : le tabagisme, la sévérité de l’embolie pulmonaire et l’âge puisque l’on sait que les personnes âgées ont une raréfaction vasculaire. Bruno DEGANO souligne également qu’au cours de ce travail les anomalies ont été objectivées par les épreuves d’effort mais les gaz du sang n’ont jamais été réalisés. L’épreuve d’effort est sensible  mais pour concrétiser ces résultats , il est nécessaire d’avoir une compréhension plus fine des mécanismes physiopathologiques, qui n’est pas apportée ici. Associer l’épreuve d’effort, qui a toute sa place,  aux gaz du sang apporterait une perspective sur la  physiopathologie des séquelles d’embolie pulmonaire et permettrait d’identifier précisément les patients qui ont d’authentiques séquelles.

     

     

    En conclusion, la diminution des capacités d’exercice après une embolie pulmonaire n’est pas liée qu’au déconditionnement mais également à des anomalies objectives qui mériteraient d’être explorées précisément, notamment par la réalisation des gaz du sang, en plus de l’épreuve d’effort. Cette étude ouvre des portes mais n’apporte pas toutes les réponses…

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    JDF