Gériatrie

Douleurs neuropathiques en gériatrie : quelle place pour les topiques ?

Indications, traitements disponibles et tolérance : une spécialiste de la douleur a fait le point, lors du CIPEG, sur l'utilisation en pratique des topiques antalgiques chez la personne âgée, particulièrement intéressants dans la prise en charge de certaines douleurs à composante neuropathique.

  • valiantsin suprunovich/istock
  • 13 Avr 2023
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    Le CIPEG, Congrès Interdisciplinaire des Professionnels en Gériatrie s'est tenu à Montpellier. Infectiologie, cardiologie, nutrition ou encore prise en charge de la douleur en gériatrie étaient au programme. C'est sur un aspect particulier de ce dernier point, qu'a portée l'intervention du Pr Gisele Pickering, algologue spécialiste de la personne âgée, qui a répondu à la question : « quelle est la place des topiques dans la prise en charge de la douleur chez la personne âgée ? ».

    Elle a particulièrement insisté sur la prise en charge des douleurs chroniques à composante neuropathique, présentation fréquente en gériatrie où l'utilisation de topiques en monothérapie et/ou associés à des traitements systémiques peuvent être une solution efficace et bien tolérée.

    Un mode d'action particulièrement adapté à la population âgée

    Pour mémoire, a rappelé le Pr Pickering, les topiques sont appliqués localement pour une action locale contrairement aux traitements transdermiques d'application locale mais dont l'action est systémique. « Particulièrement adaptés à une population âgée », les traitements topiques antalgiques présentent de multiples points forts : peu d'interactions médicamenteuses, peu d'effets indésirables systémiques, peu de contre-indications.

    Un traitement simple à manier donc même chez les patients polymédiqués ou polypathologiques. L'algologue insiste toutefois sur une précaution d'utilisation à respecter scrupuleusement : l'application doit être effectuée sur une peau non lésée sous peine d'effets indésirables. Et cette vigilance doit être d'autant plus accrue en population âgée compte tenu de la fragilité de la peau.

    Deux topiques ont l'AMM (autorisation de mise sur le marché) en France pour la prise en charge des douleurs neuropathiques.

    Emplâtre de lidocaïne 5% : une molécule bien supportée mais à l'AMM restreinte

    Tout d'abord, l'emplâtre de lidocaïne 5% (plus connu sous son nom commercial : VERSATIS® 700mg). Officiellement d'indication très limitée, puisqu'il n'a l'AMM en France que pour les douleurs neuropathiques post-zoostériennes, il est « en pratique, largement utilisé pour d'autres types de douleurs [notamment] pour les douleurs neuropathiques post-opératoires et c'est très utile » souligne l'algologue. L'AMM sera peut-être étendue dans le futur, c'est en tout cas depuis plusieurs années un cheval de bataille de la SFETD (Société Française d'Etude et de Traitement de la Douleur).

    Concernant le côté plus pratique, bref rappel de la posologie : 1 à 3 emplâtres à garder pendant 12 heures maximum par jour, et un intervalle de 12 heures à respecter entre chaque application. « Globalement c'est une molécule qui est très bien supportée » précise l'algogue qui évoque toutefois de possibles réactions locales (démangeaisons, rougeurs...) ou allergiques nécessitant l'arrêt de l'application.

    Patch de capsaïcine 8% : « très intéressant en pratique » mais des effets indésirables qui posent question

    Deuxième topique disponible : le patch de capsaïcine 8% (nom commercial QUTENZA®) aux indications beaucoup plus larges, le dispositif ayant l'AMM pour toutes les douleurs neuropathiques périphériques chez les adultes. Composant responsable du piquant des piments, la capsaïcine a une utilisation par contre limitée puisqu'elle est encore pour l'instant réservée à l'hôpital. Le patch est appliqué pendant une heure et l'efficacité antalgique dure 12 semaines. Chez la personne âgée, l'efficacité a été démontrée il y a plusieurs années rappelle l'algologue qui livre aussi les résultats d'une « très grosse méta-analyse » (en cours de publication) révélant un profil de tolérance similaire chez les plus de 75 ans que dans les populations les plus jeunes.

    Parlant tolérance justement, l'algologue rappelle qu'à l'application du dispositif survient systématiquement, avant l'anesthésie, une sensation de brûlure avec rougeur cutanée. L'application d'un patch EMLA en préalable peut permettre de diminuer cette sensation désagréable précise-t-elle. L'application du patch de capsaïcine peut aussi être responsable d'une augmentation de la tension artérielle. Malgré cela, la spécialiste juge en définitif ce dispositif « très intéressant en pratique ». Un avis absolument pas partagé par la revue Prescrire qui a placé le dispositif dans sa liste 2023 des médicaments à proscrire, en raison des nombreux effets indésirables tout en étant « à peine plus efficace qu'un placebo ».

    Pensons aussi simplement à la lavande

    Autre classe moins conventionnelle de « topiques » anti-douleurs utiles en gériatrie : les huiles essentielles. Au top dans le classement, la lavande souligne l'algologue qui insiste sur son efficacité anti-douleur déjà bien connue, et un probable « effet cognitivo-émotionnel […] qui contribue aussi à diminuer la douleur ».

     

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    JDF