Bactérie
Du paracétamol produit à partir de déchets plastiques
Des chercheurs britanniques ont trouvé le moyen de transformer des déchets plastiques en paracétamol grâce à une bactérie génétiquement modifiée.

- Par Stanislas Deve
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Et si nos déchets plastiques devenaient un jour des antidouleurs ? C'est le pari audacieux lancé par des chercheurs écossais de l’Université d’Edimbourg, qui ont réussi à transformer du plastique usagé en paracétamol grâce à la fameuse bactérie E. coli. Leur prouesse, détaillée dans la revue Nature Chemistry, suscite autant d'espoirs que de doutes.
Un recyclage biologique inédit
Le paracétamol, l'un des médicaments les plus consommés au monde, est habituellement produit à partir de dérivés d'hydrocarbures fossiles par des sous-traitants utilisant des méthodes bon marché mais polluantes. En parallèle, la pollution plastique ne cesse de croître, avec des négociations autour du Traité international sur les plastiques (INC 5-2) prévues en août pour tenter d'y remédier. Les scientifiques, financés entre autres par le laboratoire AstraZeneca, ont donc voulu répondre à ces deux enjeux en mobilisant une bactérie bien connue : Escherichia coli.
Les chercheurs ont utilisé une molécule dérivée du PET (polytéréphtalate d'éthylène), un plastique présent dans de nombreux emballages et en particulier les bouteilles. En la faisant réagir avec une souche génétiquement modifiée d'E. coli, ils ont obtenu du PABA, un composé chimique précurseur du paracétamol. En modifiant encore davantage la bactérie, ils ont finalement réussi à produire l'antidouleur lui-même. "Ce travail montre que le plastique PET n'est pas seulement un déchet : il peut être transformé par des micro-organismes en produits utiles, y compris pour traiter des pathologies", explique à l’AFP Stephen Wallace, auteur principal de l'étude, dans un communiqué.
460 millions de tonnes de plastiques fabriquées par an
Malgré cet exploit en laboratoire, plusieurs experts appellent à la prudence. Des chercheurs de Singapour, non impliqués dans l’étude, rappellent notamment que la quantité de PABA produite par ce procédé reste très faible, et bien loin des besoins industriels. Sans compter que les obstacles techniques pour passer à une production à grande échelle sont nombreux.
Melissa Valliant, de l’ONG Beyond Plastics, se montre encore plus sceptique : "Une nouvelle 'bactérie mangeuse de plastique' fait régulièrement la une, mais aucune n'a permis de régler la pollution plastique. Cette crise systémique doit être stoppée à la source", insiste-t-elle, appelant "les entreprises et les décideurs politiques" à réduire drastiquement la production de plastique. Chaque année, environ 460 millions de tonnes de plastiques sont fabriquées dans le monde. Si rien n’est fait, ce chiffre devrait tripler d’ici 2060.