Onco-digestif

Cancers du rectum localement évolués : un pas de plus vers la préservation rectale

Le traitement des cancers du rectum localement évolués repose en partie sur une exérèse . La préservation d’organe est donc d’un intérêt certain pour les patients mais aussi pour les médecins. Deux stratégies sont en phase d’évaluation : une préservation dite opportuniste et une préservation sélective. L’essai STAR-TECH s’intéresse à la préservation sélective chez des patients ayant des lésions rectales <40mm, avec des résultats qui nécessitent des analyses ultérieures.

  • Istock/Gumpanat
  • 11 Juillet 2022
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    Lors du congrès américain de cancérologie ASCO 2022, le Dr S Bach a présenté les premiers résultats de l’essai de phase II britannique STAR-TREC. Le traitement des cancers du rectum non métastatique repose sur une exérèse rectale éventuellement précédée d’un traitement préopératoire comportant chimiothérapie et radiochimiothérapie (traitement néoadjuvant total) . Le traitement préopératoire peut induire une réponse tumorale majeure conduisant à une disparition quasi voire complète de la tumeur.

    2 stratégies de préservation d’organes en cours d’évaluation

    Depuis maintenant une dizaine d’années, nombre d’équipes proposent d’adopter des stratégies permettant d’éviter la proctectomie dans cette situation, stratégies dites de préservation rectale. L’avantage est d’éviter une chirurgie lourde, potentiellement inutile si la tumeur est en effet stérilisée, le principal inconvénient réside dans la corrélation imparfaite qui existe entre réponse clinique complète et réponse histologique complète. L’essai STAR-TREC s’inscrit dans cette démarche de préservation et propose une stratégie sélective, c’est-à-dire qu’elle s’adresse à des malades qui ont au départ une lésion rectale de petite taille cT1-T3bN0 de moins de 40 mm sur le bilan préopératoire. Cette stratégie sélective s’oppose à une stratégie dite « opportuniste », utilisée dans l’essai OPRA, proposée à tous les malades ayant un cancer du rectum localement évolué et qui favorise la préservation chez tous les malades répondeurs quelle que soit la taille de la tumeur initiale.

    Un essai de phase II pour une préservation d’organe sélective

    L’essai STAR TREC est un essai de phase II qui confirme la faisabilité et la sécurité d’une stratégie de préservation rectale chez les malades ayant un petit cancer du rectum < 40mm cT1-T3a. L’originalité de l’essai qui teste une stratégie sélective repose d’une part le schéma de radiothérapie qui est laissé libre (conventionnelle 5 semaines ou courte sur 5 jours) et d’autre part sur l’utilisation à la demande d’une exérèse rectale pour évaluer la réponse histologique en cas de réponse clinique incomplète. Dans l’essai de phase II STAR TREC, les malades éligibles avaient un traitement préopératoire reposant soit sur une radiochimiothérapie conventionnelle sur 5 semaines (CAP50) soit une radiothérapie courte (25 Gy sur 5 jours) et étaient randomisés en 1/2 pour avoir soit le traitement classique soit une stratégie de préservation rectale pour les bons répondeurs. Dans le bras expérimental, en cas de réponse clinique complète, les malades avaient une surveillance (watch & wait), en cas de réponse incomplète, une exérèse locale de la cicatrice et une proctectomie en cas de réponse jugée insuffisante sur l’examen anatomopathologique de la pièce de tumorectomie, enfin une exérèse rectale d’emblée en l’absence de réponse. Au total, 120 malades ont été inclus et randomisés dans les groupes préservation (n=80) et contrôle (n=40). Il s’agissait de patients ayant une tumeur du bas rectum située à une distance médiane de 5-6 cm de la marge anale, et dans la très grande majorité des cas (>95%) de tumeur < T3a.

    Une étude à poursuivre pour déterminer l’interet de cette stratégie

    Dans le groupe préservation, la proctectomie a été évitée chez 58,8% des malades à 1 an de l’irradiation. La survie sans récidive à 2 ans était de 81% dans le groupe préservation et de 89% dans le groupe contrôle. Il n’y avait pas de différence sur le niveau global de qualité de vie entre les deux groupes. L’expérimentation est poursuivie dans le cadre d’un essai contrôlé de phase III pour préciser l’intérêt de la stratégie de préservation rectale chez ces malades.

    Ces résultats vont dans le sens de ceux de l’essai contrôlé de phase III GRECCAR 2 qui a testé sensiblement la même stratégie dans les mêmes indications. Le taux de préservation rectale de près de 60% est proche de celui rapporté par les investigateurs du GRECCAR.

    L’essai a plusieurs limites. Tout d’abord, il s’agit d’une étude de phase II, non comparative et il n’est donc pas possible de s’appuyer sur ces résultats pour faire de cette stratégie une option valide de la prise en charge des malades ayant un cancer du rectum. De plus, le schéma préopératoire pourrait être considéré comme obsolète dans la mesure où le traitement néoadjuvant total utilisant chimiothérapie et radiochimiothérapie a été admis comme le nouveau standard de prise ne charge des cancers du rectum localement évolués. Enfin, dans cette première communication, les auteurs n’indiquent pas les indications précises et la proportion de proctectomie de rattrapage pour des critères histologiques défavorables (ypT2 ? ypT3 ? R1 ?) de même que la proportion de patients qui ont eu une repousse locale comment ceux-ci ont été traités (complications postopératoires de la chirurgie de rattrapage ? chirurgie non conservatrice du sphincter ? pronostic et qualité de vie). Il est à présent bien connu que ces patients en réponse incomplète ou en repousse locale sont ceux qui paient tout le tribut de la stratégie de préservation rectale. En d’autres termes, le bénéfice très net offert à certains, ceux pour lesquels la stratégie a fonctionné, est contrebalancé par le poids parfois lourd que vont devoir porter les malades chez lesquels la tumeur n’a pas bien répondu.

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