Infectiologie
Coronavirus et hydroxychloroquine : le Pr Didier Raoult persiste et signe
L'équipe du Pr Didier Raoult a dévoilé les conclusions de sa deuxième étude portant sur l'efficacité de la chloroquine associée à un antibiotique pour traiter les patients touchés par le Covid-19. De la suite dans les idées mais pas d'amélioration de la qualité de l'étude.
- Bartek Szewczyk
L'hydroxychloroquine est-elle efficace contre le Covid-19 ? Ce traitement utilisé depuis longtemps pour traiter certains rhumatismes et dont l'activité anti-virale in vitro est connu depuis les années 60 est préconisé par Didier Raoult, professeur en biologie et directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, comme piste pour soigner les patients touchés par le nouveau coronavirus.
Une première petite étude, non randomisée, dévoilée mi-mars par le scientifique et réalisée sur 24 patients testés positifs au Covid-19 faisait état de la disparition du virus chez trois quarts des patients au bout de six jours, en particulier en cas d'association à l'azithromycine.
L'annonce urbi et orbi de l'intérêt de l'hydroxychloroquine comme traitement précoce pour tous les malades touchés par le coronavirus (Didier Raoult a ouvert un compte Twitter pour cela en mars 2020) a été jugée comme très prématurée par la plupart des spécialistes et l'essai de Didier Raoult a été jugé "insuffisant", mais le scientifique précise que ce médicament ne présente pas de risque puisqu’il est connu depuis longtemps (NDE : l'hydroxychloroquine et l'azithromycine peuvent toutes les 2 allonger le QT).
Didier Raoult, le retour
Vendredi 27 mars, le Pr Raoult a publié un deuxième essai qui est cette fois un registre prospectif de 80 patients, dont 50% âgés de moins de 52 ans, 5% d'asymptomatiques, 41% d'infection des voies aériennes supérieures et près de 54% de pneumonies virales. Les patients ont été suivis au plan clinique et virologique pendant 6 à 10 jours courant mars à l'IHU et on leur a administré dès que possible une association d'hydroxychloroquine et d'azithromycine.
Les résultats de cette étude mentionnent "une évolution favorable" pour 65 patients (81%), tandis que douze ont été mis sous oxygénothérapie (soit 15%). Trois sont passés en soins intensifs et un autre âgé de 86 ans est décédé (soit 5%).... des chiffres très superposables à ce qui est observé sans le fameux traitement donc. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas eu de torsade de pointe, sans doute parce que les malades sont jeunes.
L'absence de groupe témoin de nouveau décriée
La plupart des patients ne présentait qu’une forme bénigne du Covid-19. Toutefois, le Pr Raoult, qui précise depuis le début de ses recherches que la chloroquine serait efficace principalement au premier stade infectieux de la maladie, estime que ce traitement permettrait de limiter le cas et donc les risques de propagation du virus.
Du point de vue de la communauté scientifique, la recherche du Pr Raoult présente quelques limites (déjà décriées lors de son premier essai), notamment l’absence de groupe témoin, c’est à-dire d’un groupe de patients n’ayant reçu aucun traitement ou un placebo et qui permettrait une comparaison. Le seul intérêt serait un délai court de négativation des cultures virale, délai qui était identique dans l'étude comparative chinoise entre les 2 bras cependant...
Pas un effet majeur
La comparaison a été effectuée par rapport à une autre étude menée en Chine dans la ville de Wuhan (d’où est partie l’épidémie) sur une centaine de patients et qui avait abouti à un taux de guérison de 28%. Les participants étaient toutefois atteints de forme sévère de la maladie, ce qui rend difficile les comparaisons avec celles de l’essai mené par les scientifiques de l’IHU, estiment certains scientifiques qui n'ont pas participé à l'étude du Pr Raoult.
"Le fait d'aboutir à des résultats similaires sous hydroxychloroquine ne plaide pas pour un effet majeur de l'hydroxychloroquine sur la charge virale", estime par exemple l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherche à l'Inserm, interrogée par l'AFP.
On connait les effets anti-viraux de l'hydroxychloroquine depuis les années 60 et, depuis, on n'a jamais démontré d'intérêt in vivo de cette molécule, ni avec le SRAS, ni avec le MERS, ni avec Influenza H1N1, ni avec le chikungunya... On attend les résultats des études randomisées d'ici quelques semaines.











