Psychiatrie
Déficit de l’attention avec hyperactivité : le traitement réduit la violence en vie réelle
Le suivi de 247 420 Suédois souffrant d’un TDAH et traités entre 2006 et 2020 confirme que les psychostimulants réduisent en vie réelle les auto-agressions, les blessures, les accidents et les délits. Néanmoins, l’amplitude de protection semble diminuer au fil des années, à mesure que la prescription s’étend à des patients moins sévères.

- Backiris/istock
L’essor mondial du diagnostic de trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) s’est traduit en Suède par une multiplication par cinq des ordonnances pédiatriques et par dix des ordonnances adultes depuis 2006. Profitant de cette « expérience naturelle », une étude de registre, auto-contrôlée (self-controlled case series), a inclus tous les sujets de 4 à 64 ans ayant reçu au moins une délivrance entre 2006 et 2020.
Selon les résultats publiés dans JAMA Psychiatry, sur la période initiale 2006-2010, le traitement est associé à une réduction de 29 % des conduites auto-agressives (IRR 0,71), 13 % des blessures involontaires (IRR 0,87), 29 % des accidents de la route (IRR 0,71) et 27 % des faits criminels (IRR 0,73). Ces chiffres attestent d’un effet favorable tangible sur les conséquences comportementales les plus graves du TDAH.
Des bénéfices qui s’émoussent avec la banalisation du traitement
Entre 2006 et 2020, la prévalence d’usage est passée de 0,6 % à 2,8 % dans la population générale. Parallèlement, les effets protecteurs se sont atténués : sur 2016-2020, les IRR atteignent 0,85 pour l’auto-agression (tendance non significative), 0,93 pour les blessures, 0,87 pour les accidents et 0,84 pour la criminalité (p < 0,01 pour les trois derniers).
Les analyses stratifiées montrent des atténuations comparables chez l’enfant, l’adulte, les deux sexes, sans lien complet avec l’évolution démographique des utilisateurs ; elles reflètent probablement l’extension des prescriptions à des tableaux cliniquement plus légers, moins à risque a priori. Les effets indésirables classiques des psychostimulants (appétit, sommeil, tension artérielle) ne pouvaient être quantifiés ici, mais restent un contre-poids essentiel dans la balance bénéfice-risque individuelle.
Personnaliser ou arrêter : la nouvelle équation thérapeutique
Basée sur les registres nationaux de dispensation, d’hospitalisation, de police et de mortalité, l’étude minimise les biais de sélection et de perte de vue ; le modèle auto-contrôlé neutralise les facteurs fixes intra-individuels. Ses limites résident dans l’impossibilité d’assurer l’observance, l’absence de mesures de sévérité clinique longitudinales et la restriction au contexte sociétal suédois.
Selon les auteurs, trois messages se dégagent : (1) le traitement conserve un effet globalement favorable, justifiant son maintien lorsque les symptômes sont invalidants ; (2) la baisse progressive des IRR rappelle que l’intérêt clinique n’est pas uniforme et exige une réévaluation périodique, notamment chez les patients « frontières » ou à symptomatologie atténuée ; (3) la montée des prescriptions impose d’investiguer les approches complémentaires (TCC, remédiation, hygiène de vie) et d’identifier les sous-groupes prédictifs de meilleure réponse pharmacologique. Des travaux futurs devront combiner échelles cliniques, données d’adhésion et endpoints fonctionnels pour guider des recommandations qui tiennent compte d’un paysage épidémiologique en mutation rapide.