Hématologie
Lymphome à cellules du manteau : un nouveau standard de traitement des sujets âgés ?
Le pronostic des patients âgés atteints de lymphome à cellules du manteau (LCM) est défavorable en raison notamment de leur inéligibilité à l’immunochimiothérapie intensive et l’intensification thérapeutique. Les inhibiteurs de BTK, largement utilisés dans le contexte de la rechute ou des maladies réfractaires, pourraient être une alternative innovante pour ces patients. Les auteurs de l’étude de phase 3 ECHO ont évalué l’adjonction de l'acalabrutinib à une immunochimiothérapie par rituximab et bendamustine (BR) chez les patients atteints de LCM et naïfs de traitement.
- Dr_Microbe/istock
Le lymphome à cellules du manteau (LCM) est une hémopathie lymphoïde B avec un large éventail de manifestations cliniques et d'approches thérapeutiques, allant de la surveillance active pour les maladies asymptomatiques et cliniquement indolentes, à une immunochimiothérapie en urgence pour les variants agressifs 1. Certains patients, en bonne condition physique, peuvent présenter des réponses durables après immunochimiothérapie intensive associée à une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques et à un entretien par rituximab. En revanche, la majorité des patients sont plus âgés au diagnostic et une immunochimiothérapie non-intensive sera alors le socle de traitement, avec des résultats inférieurs et une toxicité significative.
L’adjonction de l’ibrutinib, un inhibiteur oral de la tyrosine kinase de Bruton, à l’immunochimiothérapie rituximab-bendamustine (BR) dans le traitement de première ligne de ces patients a permis un gain significatif de survie sans-progression (SSP) mais une moindre survie globale (SG) en raison d'une toxicité excessive 2. Les auteurs de l’étude de phase 3 ECHO ont évalué l’adjonction de l'acalabrutinib, un inhibiteur de BTK de seconde génération, au BR chez les patients âgés atteints de LCM et naïfs de traitement (Abstract LB3439).
Une étude internationale de sujets âgés
Entre Avril 2017 et Mars 2023, 598 patients ont été inclus dans cette vaste étude : 299 patients dans chaque groupe. L'âge médian des patients était de 71 ans ; 76 % avaient un score MIPI simplifié bas/intermédiaire et 13% avaient une histologie blastique/pléiomorphique.
Les patients recevaient 6 cycles de BR puis un traitement d’entretien bimestriel par rituximab pour une durée de 2 ans chez les patients atteignant une réponse partielle ou complète (RP ou RC). L'acalabrutinib (100 mg deux fois par jour) ou le placebo était administré jusqu'à la progression de la maladie ou une toxicité inacceptable. Le critère d'évaluation principal était la SSP selon un comité d'examen indépendant.
Un gain significatif de survie avec Acalabrutinib
Avec un suivi médian de 45 mois, 31,8% et 25,8% des patients continuaient le traitement dans les bras ABR et BR. Les taux de réponse globale étaient respectivement de 91% et 88% tandis que les taux de RC étaient de 66,6% et 53,5% dans les groupes ABR et BR. La médiane de SSP était supérieure dans le groupe ABR en comparaison au groupe BR (66,4 mois contre 49,6 mois, HR 0,73 ; 95%CI à,57-0,94 ; P=0,0160).
Il existait une tendance en faveur d’une SG supérieure dans le groupe ABR (HR 0,86 ; 95%CI 0,65-1,13 ; P=0,27) malgré 51 patients ayant reçu de l’acalabrutinib en raison d’une progression dans le groupe BR. Après ajustement sur les décès liés au COVID-19, la SSP médiane était améliorée dans les deux bras : non atteinte dans le groupe ABR contre 61,6 mois avec BR (HR 0,65 ; 95%CI 0,49-0,86 ; P=0,0027). Il en était de même pour la SG (HR 0,78 ; 95%CI 0,56-1,07 ; P=0,12).
Un profil de toxicité lourdement affecté par le COVID-19
Sur le plan de la tolérance, les principaux effets indésirables de grade ≥3 étaient équilibrés entre les groupes (respectivement 88,9% et 88,2% des patients des groupes ABR et BR). Les principaux effets indésirables de grade ≥3 d'intérêt clinique étaient la fibrillation auriculaire (3,7% et 1,7%), l'hypertension (5,4% et 8,4%), la neutropénie (35,4% et 37,0%) et les infections (41,1% et 34,0%).
Les événements liés au COVID-19 de tout grade touchaient respectivement 30,6% et 20,9% des patients dans les groupes ABR et BR (2,7% et 2,0% de décès). L’interruption du traitement par acalabrutinib en raison d'effets indésirables était nécessaire chez 42,8% des patients, et le COVID-19 en était la principale cause.
Conclusion
Les résultats de cette étude internationale démontrent que l’adjonction de l’acalabrutinib à l’immunochimiothérapie BR permet un gain significatif de SSP, et une tendance positive en faveur d’un gain de SG. Cette combinaison thérapeutique devrait prochainement devenir le standard de traitement des patients âgés atteints de LCM.
Références
- Maddocks K. Update on mantle cell lymphoma. Blood 2018;132:1647-56.
- Wang ML, Jurczak W, Jerkeman M, et al. Ibrutinib plus Bendamustine and Rituximab in Untreated Mantle-Cell Lymphoma. N Engl J Med 2022;386:2482-94.











