onco-digestif

Cancers du rectum : la préservation rectale est-elle une question de dose?

La préservation rectale après réponse clinique complète au traitement néoadjuvant est actuellement très étudiée pour les cancers du bas et du moyen rectum. Les essais OPERA et Danish 2 apportent des éléments de réponse.

  • Istock/Menshalena
  • 11 Juillet 2022
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    Alors que l'ASCO 2020 avait changé nos pratiques en termes de traitement néoadjuvant pour les cancers du rectum avec les résultats des essais RAPIDO et PRODIGE 23,  la question qui a agité l'ASCO 2022 est celle de la préservation rectale. En effet, le Watch and Wait (WW) est une stratégie émergente pour les patients en réponse clinique complète après traitement néoadjuvant pour un adénocarcinome du rectum. Mais selon quelles modalités? Deux essais présentés en poster discussion tentent de répondre à cette question.

    Un essai de phase II danois avec une escalade de dose par radiothérapie externe

    Le premier, un essai de phase II danois multicentrique, a évalué le taux de contrôle locorégional à 2 ans chez 107 patients ayant un adénocarcinome du rectum à moins de 6 cm de la marge anale, T1-3 N0-1. Ils recevaient une chimioradiothérapie par IMRT à la dose de 50,4 Gy en 28 fractions avec un boost intégré à 62 Gy en 28 fractions (EQD2 64 Gy) et capécitabine concomitante. Les patients en réponse clinique complète 6 à 12 semaines après la fin de la radiothérapie étaient surveillés. L'objectif principal était le taux de contrôle locorégional à 2 ans. Celui-ci était de 74% avec 61% des patients ayant eu une préservation rectale. Parmi les patients non opérés, 35% avaient un score de LARS élevé et 5% une dysfonction érectile de grade 3.

    L'essai de phase III OPERA évaluant la contactothérapie

    Le deuxième, l'essai de phase III OPERA, présenté par le Pr J.P. Gérard, a inclus entre 2015 et 2020 144 patients ayant un adénocarcinome du bas et du moyen rectum cT2-T3a/b cN0-N1 de moins de 8 mm. Les patients étaient stratifiés en fonction de la taille tumorale (< 3 cm ou > 3 cm). Ils étaient randomisés entre le bras A (chimioradiothérapie à la dose de 45 Gy avec capécitabine concomitante = Cap45, suivie d'un boost de 9 Gy par radiothérapie externe) et le bras B (Cap45 et boost de 90 Gy en 3 fractions et 4 semaines par contactothérapie, administré avant la radiothérapie externe si la tumeur faisait moins de 3 cm et après dans l'autre cas). Après le traitement, les patients étaient évalués à la 14ème semaine. Les patients en réponse clinique complète était surveillés activement (Watch and Wait) alors que les autres étaient opérés avec exérèse totale du mesorectum (TME).

    Un taux de préservation rectale nettement augmenté

    L'objectif principal était le taux de préservation rectale à 3 ans. Il était de 60% dans le bras A versus 81% dans le bras B (HR=0,34; IC95=0,19-0,73; p=0,005). Cette différence était encore plus importante pour les tumeurs de moins de 3 cm (65% versus 97%). Par contre, il y avait beaucoup plus de rectorragies dans le bras B (12% versus 63%; p<0,001). Le taux de patients avec un score LARS > 30 était de 21% dans le bras A versus 17% dans le bras B.

    L'augmentation de dose majore les chances de préservation rectale

    Il semblerait donc que le taux de préservation rectale augmenterait avec la dose d'irradiation reçue mais les complications tardives méritent d'être évaluées à plus long terme. Il est également indispensable de connaitre le devenir des patients ayant été opérés dans un deuxième temps, lors de la rechute locale, à la fois sur le plan local et à distance. Une autre question qui se pose est la place de cette augmentation de dose par rapport à l'ajout d'une chimiothérapie d'induction ou de consolidation tel qu’évaluée dans les essais OPRA ou CAO/ARO/AIO-12. Des essais de plus grande ampleur sont donc nécessaires pour déterminer la combinaison thérapeutique optimale avant Watch and Wait ou exérèse locale.

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