Onco-digestif
Cancer colorectal : CHIP ou pas CHIP pour les métastases péritonéales (PRODIGE 7)
La prise en charge des carcinoses péritonéales peut encore être optimisée du fait de leur localisation. L’intérêt et la place dans la stratégie thérapeutique de la CHIP doivent encore être précisés. PRODIGE 7 apporte des réponses.
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La carcinose péritonéale (CP) est une localisation métastatique locorégionale des tumeurs intra-péritonéales (IP), et résulte de la dissémination dans la cavité péritonéale de cellules issues de la tumeur primitive. Pour traiter cette dissémination IP, le concept de chimiothérapie intrapéritonéale a été proposée. La chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) est une des modalités de traitement intrapéritonéal dont l’objectif est le traitement de la maladie microscopique résiduelle après une résection chirurgicale complète.
Pour les CP d’origine colorectale, la cytoréduction complète associée à une CHIP a démontré une amélioration significative de la survie globale par rapport à une chimiothérapie systémique. Cependant, l’impact de la CHIP sur le contrôle de la maladie péritonéale en plus de la cytoréduction complète a été suggéré dans plusieurs essais rétrospectifs mais jamais démontré dans un essai prospectif.
CHIP ou pas ? même efficacité mais plus de complications si CHIP
Quenet et al rapportent le premier essai randomisé contrôlé multicentrique évaluant l’intérêt d’associer une CHIP à l’oxaliplatine à une cytoréduction complète pour la prise en charge potentiellement curative des CP d’origine colorectale. Une chimiothérapie systémique périopératoire était systématique, et la randomisation se faisait en peropératoire après une chirurgie de cytoréduction complète macroscopiquement. Dans le bras CHIP, immédiatement à l’issue de la cytoréduction, l’oxaliplatine était administrée en IP à 360mg/m2, ou 460mg/mg en technique fermée et ouverte, respectivement, et associée à une administration systémique de 5 Fluoro-uracil. L’objectif principal était la survie globale en intention de traiter.
Entre 2008 et 2014, 265 patients ont été inclus, 133 et 132 dans les groupes CHIP et sans CHIP, respectivement. Après un suivi médian de 63.8 mois, la survie globale médiane était de 41.7 et 41.2 mois, dans les groupes CHIP et sans CHIP, respectivement (p=0.99). A 30 jours, le taux de complications était identique dans les 2 groupes (42% et 32% ; groupes CHIP et sans CHIP, p=0.083), et entre 31 et 60 jours, le groupe CHIP présentait significativement plus de complications majeures (26% vs 15% ; p=0.035). Les auteurs concluent que la CHIP à l’oxaliplatine après une chirurgie de cytoréduction complète n’augmente pas la survie des patients présentant une carcinose péritonéale d’origine colorectale, et expose à un taux de complications plus important.
Une place et un impact encore à définir
Cette étude démontre l’importance d’une cytoréduction complète dans le traitement potentiellement curatif des carcinoses péritonéales d’origine colorectal. Les médianes de survie globale observées dans cette étude dépassent 40 mois dans les 2 groupes et représentent un résultat encourageant dans la prise en charge des CP d’origine colorectale. Si l’impact favorable de la CHIP n’a pas été démontré dans cette étude, les résultats ne permettent pas de conclure au non intérêt de la CHIP ou des traitements IP plus largement, dans le contrôle de la dissémination IP des cancers colorectaux.
Deux constatations majeures soulignent l’intérêt potentiel des traitements IP dans la CP d’origine colorectale. Premièrement, la CP est le site de localisation métastatique des cancers colorectaux associée à la survie globale la plus péjorative comparativement aux localisations métastatiques de dissémination systémique. L’hypothèse avancée pour expliquer cette différence, est l’efficacité plus limitée de la chimiothérapie systémique sur la CP. Secondairement, après une cytoréduction complète le site de récidive privilégié est le péritoine. Ce constat souligne la persistance de cellules néoplasiques IP après la chirurgie. Ces 2 constatations laissent penser que l’association d’un traitement locorégional IP optimal en association à une cytoréduction complète pourrait augmenter le contrôle local, à l’instar de la chimiothérapie intra-artérielle des métastases hépatiques.
Actuellement, les molécules administrées en IP (oxaliplatin, cisplatin, doxorubicine, mitomycine, etc…) et les modalités d’administration (CHIP, chimiothérapie intra-péritonéale, PIPAC (pressurized IntraPeritoneal Aerosol Chemotherapy), etc…) sont multiples. Dans l’essai de Quenet et al, l’oxaliplatine a été choisie pour être administrée lors de la CHIP sur les bases de son efficacité systémique sur le cancer colorectal. Les résultats de l’étude permettent de conclure que cette molécule selon cette modalité d’administration IP n’apporte pas de bénéfice en terme de survie et expose à une morbidité plus importante. Cependant, ils sont insuffisants pour conclure au non intérêt de la CHIP, et des traitements IP. D’autres molécules et modalités devront être évaluées.
Les résultats prometteurs en terme de survie observés dans l’étude de Quenet et al sont les résultats de centre expert en chirurgie péritonéale. Il reste très peu probable que ces résultats puissent être reproductibles dans ces centres dont l’expertise de cette chirurgie est plus réduite.
En conclusion, cette étude démontre l’importance d’une chirurgie de cytoréduction complète dans la prise en charge potentiellement curative des carcinoses péritonéales d’origine colorectale. Elle permet de conclure également sur l’absence de bénéfice d’associer à la cytoréduction une CHIP à l’oxaliplatine selon les modalités de l’étude. Des essais complémentaires devront préciser l’intérêt d’autres modalités de traitement intra-péritonéaux pour augmenter le contrôle locorégional des carcinoses colorectales











