Onco-hématologie
Myélome réfractaire : bénéfice confirmé d’un anticorps bispécifique
L'injection d’un anticorps bispécifique BCMA x CD3, le teclistamab, donne une réponse chez 74% des patients souffrant d'un myélome récidivant ou réfractaire, au prix d’une tolérance et d’une complexité de traitement bien inférieure aux traitement par CAR-T cells
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Une injection sous-cutanée de teclistamab, un anticorps bispécifique anti-BCMA et anti-CD3 qui induit une réponse immunitaire T contre les cellules myélomateuses exprimant BCMA, est correctement tolérée et donne une réponse chez une majorité de malades souffrant d'un myélome récidivant ou réfractaire après plusieurs lignes de traitement (en moyenne 6).
Ce sont les résultats d'une étude de phase I, multi-institutionnelle, présentés lors du congrès annuel de la Société américaine d'hématologie, l’ASH 2020, (Abstract n° 180) et qui font suite aux résultats après administration IV, présentés à l’ASCO 2020. Sur les 22 patients traités avec la dose IV de teclistamab, également inclus dans l'étude de phase II, 74% ont obtenu une réponse partielle ou améliorée.
Bon taux de réponse
120 pts sont évaluables pour la réponse, avec les niveaux de dose les plus élevés et les plus actifs de 270 µg/kg et 720 µg/kg par semaine pour le teclistamab IV et 720 µg/kg et 1500 µg/kg par semaine pour le SC (à noter que les données de réponse pour 3000 µg/kg SC ne sont pas encore matures).
Le taux de réponse global parmi les 68 patients traités avec les doses intraveineuses et sous-cutanées les plus pertinentes est de 69%, dont 59% avec de très bonnes réponses partielles ou mieux et 26% avec des réponses complètes.
Parmi les 47 patients qui ont répondu au teclistamab aux doses les plus fortes, 94% sont encore sous teclistamab après un suivi médian de 6,5 mois, avec quelques réponses continues jusqu'à 21 mois.
Pharmacocinétique simple
Les résultats pharmacocinétiques montrent que la demi-vie du teclistamab permettrait une administration hebdomadaire IV. L'exposition augmente de manière approximativement proportionnelle à la dose après un traitement hebdomadaire par le teclistamab IV ou SC.
Une dose de 1500 µg/kg SC a une Cmax comparable à celle de 270 µg/kg IV et des niveaux minimums plus élevés que ceux de 720 µg/kg IV. Le délai individuel pour atteindre la Cmax après l'administration d'une dose SC varie du jour 3 au jour 8.
Effets secondaires gérables
Les patients qui ont reçu à la fois l'injection (n=65) et la perfusion (n=84) ont ressenti des effets secondaires généralement associés aux médicaments qui agissent sur le système immunitaire. Un syndrome de libération de cytokines de grade 1 à 2 est apparu chez 54% et 57% des patients ayant reçu des doses par voie intraveineuse (0.3–720 µg/kg) et sous-cutanée (80–3000 µg/kg), respectivement, et s'est produit en général un à deux jours après l'administration des médicaments.
Parmi les autres effets secondaires, citons une anémie (55%), une neutropénie (57%), une thrombocytopénie (40%) et une leucopénie (28%). Les effets secondaires, selon les auteurs, se sont considérablement atténués après les deux premières semaines. Tous les événements ont été considérés dans le cadre d'un profil de sécurité gérable.
Anti-BCMA et anti-CD3 prêt à l’emploi
Le teclistamab est un anticorps bispécifique qui active les lymphocytes T pour attaquer les cellules myélomateuses exprimant le BCMA (B cell maturation antigen). Ces résultats actualisés de la phase I par voie IV présentée à l’ASCO 2020 montrent, pour la première fois, l'innocuité et l'efficacité de la forme sous-cutanée du médicament, plus simple à administrer.
« Ce sont des résultats très intéressants pour les patients atteints de myélome multiple », a déclaré le Dr Alfred Garfall, 1er auteur de l’étude et membre du département d’onco-hématologie de la Perelman School of Medicine, à la University of Pennsylvania. « Avoir un seul médicament injectable par voie sous-cutanée qui est efficace chez des patients dont la maladie est devenue résistante à tant de traitements préalables, qui est bien toléré et qui donne souvent des réponses durables est une réalisation prometteuse ».
Plus simple que les CAR-T cells
Le teclistamab adopte une approche similaire aux thérapies cellulaires comme les CAR-T cells, ces dernières ayant l’inconvénient de devoir être prélevées au préalable afin d’être modifiées génétiquement puis d’être multipliées avant d’être réinjectées au malade pour cibler et détruire les cellules cancéreuses, un processus complexe, long et coûteux.
Le teclistamab accroche les lymphocytes T cytotoxiques par leur récepteur CD3 pour les diriger contre les cellules myélomateuses exprimant BCMA et les activer lors de la fixation sur BCMA. Les anticorps bispécifiques présentent l’avantage d’être fabriqués une fois pour toutes et pour tous les malades et d’être disponibles immédiatement : cela prend 15 minutes à administrer, contrairement aux thérapies cellulaires dont la fabrication prend plusieurs semaines et doit être réalisée spécifiquement pour chaque patient.











