Oncologie
Cancer et thromboses : intérêt des anticoagulants oraux directs en cas de risque élevé
Chez les cancéreux qui ont un risque thromboembolique élevé sur le score de Khorana, la prévention par une héparine ou un anticoagulant oral direct se discute.
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Les cancéreux ont un risque accru de thromboses veineuses et d’embolies pulmonaires en raison de facteurs propres au cancer modifiant la coagulation du sang et des nombreux traitements anticancéreux, y compris la chimiothérapie. Ce risque est potentiellement dangereux pour les malades et risque de perturber le traitement du cancer.
Le risque de formation de caillots sanguins après un diagnostic de cancer augmente pendant toute la période où le cancer est actif et celle du traitement du cancer, allant en moyenne de 5 à 25% pour différents types de cancer et de chimiothérapies, en particulier chez les patients à un stade avancé de la maladie. L’héparine de bas poids moléculaire réduit de 50% le risque de thrombose, mais la différence de risque absolu est faible, ce qui fait recommander de ne traiter que les malades à risque.
Deux études de prévention avec les ADO
L’essai AVERT, avec l’apixaban, un anticoagulant oral direct en 2 prises par jour, a été réalisée sur 574 cancéreux à risque thromboembolique intermédiaire ou élevé. Dans cette étude de phase III, il existe une réduction de 59% des évènements thromboemboliques à 180 jours sous apixaban.
L’étude CASSINI est un essai de phase III, sur 1 080 patients cancéreux à haut risque de thrombose, testant un anticoagulant oral direct, le rivaroxaban en une prise par jour, dans la prévention des complications thromboemboliques du cancer. Elle n'a révélé aucune réduction significative du risque thromboembolique ou du nombre de décès au cours de la période de l’essai, soit 180 jours, mais il existe une réduction quand on analyse les malades qui ont réellement pris le traitement.
Les 2 études utilisent un score de risque validé de thrombose au cours du cancer, le score de risque de Khorana, afin d'identifier les malades atteints d'un cancer qui ont un risque accru de thrombose veineuse.
Dépistage des thromboses occultes
Dans les 2 études, il n’y a pas eu de réduction de la mortalité et le risque d’hémorragie est doublé, mais ce dernier est nettement plus faible que le risque de thrombose et le bénéfice des anticoagulants directs peut donc se discuter dans les populations de cancéreux à risque élevé de thrombose, en particulier à la phase aiguë de la maladie et avec certaines chimiothérapie (sels de platine) ou dans certains cancers particulièrement à risque.
Afin de déterminer quels étaient les patients à risque élevé de développer des caillots sanguins, les chercheurs ont utilisé le score de risque de Khorana basé sur le type de cancer, l'indice de masse corporelle (IMC) et la numération sanguine, mais pas sur le type de chimiothérapie, ce qui le rend incomplet. Lors du dépistage des thromboses chez les malades au début de l’étude, près de 5% des cancéreux avaient un score de risque de Khorana égal ou supérieur à deux, qui témoignait de l’existence de caillots sanguins non identifié par l’examen avant le début de la chimiothérapie.
L’essai CASSINI a examiné par échographie tous les malades avant la randomisation mais aussi pendant l’étude, afin d’exclure de l’analyse ceux qui avaient une thrombose occulte, alors que l’essai AVERT ne l’a pas fait.
Une discussion chez les malades à risque
Il s’agit des 2 premières grandes études de phase 3 utilisant le score de Khorana afin d’identifier les malades cancéreux à haut risque de thrombose et leur proposer une prévention par un anticoagulant oral direct.
Les anticoagulants oraux directs ne sont actuellement pas approuvés pour prévenir la formation de caillots sanguins chez les patients cancéreux. Les recommandations actuelles prônent la prescription d’héparine à bas poids moléculaire en prévention et dans le traitement de ces complications thromboemboliques chez les cancéreux.
Après le cancer, les thromboses sont la deuxième cause de décès (avec les infections) chez les patients souffrant d'un cancer et recevant une chimiothérapie en ambulatoire. C’est également une cause majeure de morbidité et de coûts supplémentaires (hospitalisation pour une thrombose ou une embolie).











