hématologie
LMC, un essai de phase 1 très prometteur
Rarement une étude de phase 1 présentée à l’ASH aura suscité autant d’intérêt. Un nouveau traitement dans la leucémie myéloïde chronique affiche des résultats prometteurs alors que l’on dispose déjà de traitements efficaces. Les attentes seront-elles confirmées ?
- Jarun011/iStock
La leucémie myéloïde chronique (LMC) avec la mise au point de l'imatinib à la une du magazine Time le 28 mais 2001 a modifié la pratique médicale. C'était l'irruption de la thérapie ciblée sur le devant de la scène. TERN-701 n'est pas doté du même potentiel. Mais il s'inscrit dans cette saga exceptionnelle. Inhibiteur allostérique expérimental de BCR‑ABL, il a été développé par Terns Pharmaceuticals, une société de biotechnologie, pour la LMC résistante ou en rechute. Ce nouveau produit cible la poche myristoyl de la kinase ABL (mécanisme allostérique). Dans la LMC, la fusion BCR‑ABL1 remplace la région N‑terminale d’ABL1. La modification myristoyle et son ancrage dans la poche sont perdus. Ce qui contribue à la conversion de la kinase en une forme constitutivement active et oncogénique.
Pharmacologiquement, la poche myristoyl est devenue une cible allostérique intéressante. En effet, les petites molécules (prototype asciminib, dit inhibiteur STAMP (Specifically Targeting the ABL Myristoyl Pocket) se lient à cette poche et « miment » l’effet du myristoyle, en stabilisant la conformation inactive de la kinase. Ce mode d’action est différent des inhibiteurs classiques qui bloquent le site de liaison de l’ATP. Et permet d’obtenir une activité contre certaines mutations résistantes aux TKI ATP‑compétitifs, tout en limitant souvent les effets hors‑cible. Ce mode d’action original explique son activité complémentaire des inhibiteurs de site actif et distinct d’asciminib par sa puissance et sa couverture des mutations de résistance identifiées in vitro.
Les données précliniques montrent en effet une activité sur plus de 20 mutations cliniquement pertinentes. Ce qui justifie son développement chez des patients ayant échoué après plusieurs lignes thérapeutiques. La communication orale a porté sur les résultats intermédiaires de la phase 1 CARDINAL (escalade + expansion).
Une réponse moléculaire dans 64% des cas 24 semaines
La population analysée au cutoff (13 septembre 2025) comprenait des dizaines de patients évaluables en efficacité. Et l’effectif total de l’étude avait dépassé 85 patients au moment de l’annonce. Les investigateurs ont rapporté un taux global d’obtention de MMR (major molecular response) de 64 % à 24 semaines chez les patients évaluables, avec une MMR atteignant 75 % (ou ~80 % selon sous-analyses) pour les doses ≥320 mg QD. Aucune perte de MMR n’avait été observée au cutoff. Les réponses profondes (DMR) étaient également notées (environ 29 % global et ~36 % dans les cohortes ≥32 mg). Ces résultats ont motivé la sélection de 320 mg et 500 mg QD comme doses recommandées pour la phase 2.
Les auteurs ont souligné des taux de réponse soutenus dans des sous‑groupes difficiles (patients ayant échoué à asciminib, ponatinib ou autres ITKs), avec des réponses moléculaires atteintes rapidement (médiane de traitement ≈ 6 mois pour l’ensemble de la cohorte présentée). Ces signaux suggèrent une activité sur des mutations de résistance et une cinétique de décroissance du BCR::ABL1 favorable.
En matière de tolérance, aucune toxicité limitante de dose (DLT) n’a été rapportée jusqu’à 500 mg. Et la dose maximale tolérée n’a pas été atteinte dans l’escalade. Les événements de grade 3 les plus fréquents étaient d’ordre hématologique (neutropénie et thrombopénie rapportées autour de 8–10 % dans les analyses disponibles). Le pourcentage de patients encore sous traitement au cutoff était élevé (~87 %). Ce qui renforce l’impression d’un profil d’administration tolérable à court terme. Toutefois, des effets tardifs ou hors cible restent à surveiller.
Des résultats inhabituels pour une phase 1
En conclusion, les chiffres de MMR à 24 semaines sont inhabituels pour une phase 1. Mais il faut vérifier la durabilité à 12–24 mois. ll s’agit de données de phase 1 non randomisées, avec des effectifs encore modestes pour certaines sous‑analyses et des durées de suivi courtes à intermédiaires. Les chiffres rapportés (MMR, DMR, événements indésirables) proviennent d’un cutoff précis et sont susceptibles d’évoluer avec l’inclusion de patients supplémentaires et l’allongement du suivi. La comparaison avec d’autres agents allostériques ou ITK doit être faite avec prudence en l’absence d’essais comparatifs directs. Pour l’instant, TERN‑701 est un candidat de deuxième‑ou‑troisième ligne (voire plus tard) pour les patients atteints de LMC résistante aux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) classiques et/ou à asciminib, en particulier lorsque des mutations de résistance sont identifiées.











