Gynéco-obstétrique
Lupus systémique et grossesse : l’hydroxychloroquine réduit le risque de pré-éclampsie
Chez les femmes enceintes atteintes de lupus érythémateux disséminé, l’exposition précoce à l’hydroxychloroquine (HCQ) serait associée à une baisse significative du risque de pré-éclampsie. L’effet sur le risque d’accouchement prématuré n’est pas démontré mais la tolérance est bonne. Ces résultats confortent le maintien systématique de l’HCQ en début de grossesse.

- NataliaDeriabina/istock
Le lupus érythémateux disséminé (LED) multiplie par 2 à 4 le risque de pré-éclampsie et de prématurité, deux causes majeures de morbidité materno-fœtale. L’hydroxychloroquine (HCQ), traitement de fond de référence pendant la grossesse, possède des effets anti-oxydants et anti-inflammatoires susceptibles de contrer le développement anormal du placenta. Pourtant, les données épidémiologiques restaient discordantes, souvent limitées par de petits effectifs, des biais de confusion mal contrôlés et une exposition médicamenteuse mal définie.
Exploitant les registres nationaux suédois, une cohorte populationnelle a inclus 959 grossesses uniques chez 685 femmes avec LED (2007–2022). L’exposition à l’HCQ exigeait ≥2 délivrances de −3 mois à la fin du 1er trimestre. Les critères principaux étaient la pré-éclampsie (≥20 SA jusqu’à 6 semaines post-partum) et la prématurité (<37 SA).
Selon les résultats publiés dans The Lancet Rheumatology, après pondération par probabilité inverse de traitement et modèles de Poisson modifiés, l’HCQ est associée à une réduction de 51 % du risque de pré-éclampsie globalement (RR 0,49 ; IC à 95 % 0,31–0,79), signal cohérent chez les nullipares (0,59 ; 0,33–1,08) et multipares (0,44 ; 0,22–0,89).
L’effet sur le risque d’accouchement prématuré n’est pas démontré
Concernant la prématurité, l’association est non significative : RR 0,95 (0,67–1,34) globalement, 1,10 (0,68–1,80) chez les nullipares et 0,75 (0,47–1,24) chez les femmes ayant déjà eu une grossesse. Les résultats se maintiennent après stratification sur des phénotypes à haut risque : syndrome des antiphospholipides, atteintes rénales et hypertension, sans hétérogénéité notable. En termes de chiffres bruts, la pré-éclampsie touche 11–13 % des grossesses nullipares et 5–6 % des femmes ayant déjà eu une grossesse, avec des taux systématiquement plus bas sous HCQ ; la prématurité concerne 12–19 % selon la parité, sans différence claire entre groupes.
Les expositions concomitantes reflètent une prise en charge comparable : doses cumulées de corticoïdes et recours ultérieur aux DMARDs ciblés sont similaires, limitant un biais de traitement. Aucune alerte de sécurité spécifique à l’HCQ n’émerge des registres ; la littérature antérieure soutient son bon profil materno-fœtal, renforçant la plausibilité clinique du signal observé sur la pré-éclampsie.
D’où viennent ces données, et que changer demain matin ?
Il s’agit d’une étude de cohorte nationale adossée à des registres de haute qualité, définissant l’exposition par dispensations répétées (meilleure évaluation de l’observance) et ajustant de nombreux facteurs confondants (tabagisme maternel, IMC, antécédents obstétricaux, HTA pré-gestationnelle, glucocorticoïdes...). La validité externe est solide pour des patientes suivies en soins secondaires/tertiaires dans un système nord-européen ; les résultats sont reproductibles à travers la parité et des sous-groupes cliniquement pertinents. Les limites tiennent aux contraintes inhérentes aux registres : activité du LED imparfaitement capturée, définition partielle du SAPL (recours aux codes/anticoagulants/aspirine comme proxys) et observance non mesurée biologiquement, ce qui peut sous-estimer des non-observances. L’absence d’effet clair sur la prématurité peut refléter des voies causales distinctes, un rôle médiateur de la pré-éclampsie ou un manque de puissance pour certains sous-groupes.
Selon un commentaire d’expert associé, ces données justifient de prescrire et maintenir l’hydroxychloroquine dès le projet de grossesse et au début de grossesse, avec coordination obstétriciens–médecins internistes et surveillance tensionnelle rapprochée. Elles militent pour valider l’HCQ comme standard universel chez la femme enceinte avec LED, tout en s’attachant à réduire les écarts d’usage (disponibilité, réticences, observance). Les priorités de recherche incluent la quantification de l’observance (dosages sanguins d’hydroxychloroquine) et l’exploration d’effets de dose ou de timing plus précis. À court terme, l’implémentation d’un parcours pré-conceptionnel standardisé avec initiation/renouvellement de l’hydroxychloroquine et plan de prévention de la pré-éclampsie constitue un changement de pratique à faible coût et fort rendement clinique dans le LED.