Onco-Digestif
Cancer de l’œsophage : intérêt de la chimiothérapie néoadjuvante suivie d’une surveillance active Vs chirurgie standard (essai SANO)
Pour les cancers de l’œsophage localement avancés résécables, le traitement standard consiste en une chimioradiothérapie néoadjuvante suivi d’une chirurgie [1]. Cependant, 30% des patients
Pour les cancers de l’œsophage localement avancés résécables, le traitement standard consiste en une chimioradiothérapie néoadjuvante suivi d’une chirurgie [1]. Cependant, 30% des patients présentent une réponse histologique complète, rendant la chirurgie inutile [2]. Pour les patients en réponse clinque complète après chimioradiothérapie néoadjuvante, une surveillance avec oesophagectomie de rattrapage si nécessaire est une option validée [1]. L’essai de phase III multicentrique SANO a comparé chez des patients en réponse clinique complète surveillance et chirurgie [3].
- magicmine/iStock
Cet essai randomisé a inclus des patients âgés de plus de 18 ans traités pour un cancer de l’oesophage par chimioradiothérapie néoadjuvante de type CROSS (41,4 Gy en 23 fractions avec carboplatine-paclitaxel hebdomadaire) entre 2017 et 2021 dans 12 centres hollandais. Une première évaluation par endoscopie avec au moins 4 biopsies était prévue à 6 semaines de la fin de la chimioradiothérapie puis une deuxième à 12 semaines avec endoscopie, TEP FDG et écho-endoscopie.
Les patients en réponse clinique complète à 12 semaines étaient inclus dans l’essai et randomisés par une technique de randomisation en grappes avec permutation séquentielle entre une surveillance active et une chirurgie standard qui devait avoir lieu dans les deux semaines. La surveillance active comprenait les mêmes examens que ceux réalisés lors du bilan à 12 semaines répétés tous les 3 mois la première année, tous les 4 mois la deuxième année puis tous les 6 mois la troisième année puis annuellement jusqu’à 5 ans.
L’objectif principal était la survie globale (SG). Il s’agissait d’un essai de non-infériorité avec comme hypothèse statistique une différence de taux de survie globale à 2 ans de moins de 15% entre les deux bras. Les objectifs secondaires comprenaient la survie sans maladie (SSM), le devenir des patients après chirurgie, la qualité de vie et le rapport coût-efficacité.
La surveillance active n’est pas inférieure à la chirurgie
Entre 2017 et 2021, 1115 patients ont été screenés parmi lesquels 776 ont été inclus et 309 finalement randomisés (198 dans le bras surveillance active et 111 dans le bras chirurgie). Ils présentaient très majoritairement des adénocarcinomes (75 %), du 1/3 inférieur de l’œsophage et du cardia (85 %), T3 (70 %) et N+ (57 %). Les caractéristiques étaient bien équilibrées entre les deux bras. Après un suivi médian de 38 mois, le taux de SG à 2 ans était de 74 % le bras surveillance versus 71 % dans le bras chirurgie (HR=0,95, IC95 % = -1,55-3,46, p = 0,46). Le taux de SSM à 2 ans n’était pas non plus différent entre les deux bras.
Morbidité post-opératoire de la chirurgie de rattrapage similaire à celle de la chirurgie immédiate
Dans le bras surveillance active, 35 % des patients sont restés en réponse clinique complète, 48 % ont présenté une rechute locale et 17 % des métastases à distance (similaire au bras chirurgie). Parmi les patients avec une rechute locale, 85 % ont été diagnostiquées entre la 3ème et la 5ème évaluation, c’est-à-dire entre 6 mois et 1 an après la fin de la chimioradiothérapie, presqu’aucune rechute locale n’étant survenue après 2 ans. Une oesophagectomie de rattrapage a été réalisée pour 86,5 % de ces patients après un délai médian de 5,9 mois post chimio-radiothérapie. Parmi les patients ayant été opérés, le taux de complications post-opératoires était comparable entre les deux bras (82 % des patients opérés dans le bras surveillance active ont eu au moins une complication versus 84 % dans le bras chirurgie d’emblée). Le taux de mortalité post-opératoire était également similaire (4 % versus 5 %). Enfin, les patients inclus dans le bras surveillance active rapportaient une meilleure qualité de vie à 6 mois et 9 mois après la fin de la chimioradiothérapie. A 1 an, il n’y avait plus de différence entre les deux bras.
Des résultats à améliorer
En résumé, une surveillance active n’est pas inférieure à une chirurgie d’emblée chez les patients en réponse clinique complète après chimioradiothérapie et est associée à une meilleure qualité de vie. De plus, elle aura permis aux patients développant des métastases à distance précocement d’éviter une chirurgie inutile. Ces résultats sont valables pour les adénocarcinomes comme pour les carcinomes épidermoïdes. Le taux de rechute locale d’environ 50 % interroge sur la sensibilité des examens d’évaluation de la réponse. De plus, peut-être que la dose de 41,4 Gy est insuffisante. Par ailleurs, l’ajout du nivolumab, dont le bénéfice sur la survie sans maladie des patients opérés a été établi par l’essai CheckMate 577, est actuellement évalué dans l’essai de phase 3 SANO-3 (NCT05491616) [4]. Cette stratégie est une alternative pour les adénocarcinomes au FLOT péri-opératoire associé à une chirurgie. Il pourrait être intéressant de combiner les deux afin d’augmenter le taux de préservation œsophagienne.











