Onco-Digestif

Adénocarcinome œsogastrique : nouvel échec des thérapies ciblées anti-HER2 en péri-opératoire

L’essai INNOVATION visait à évaluer l’intérêt d’une inhibition de HER2 en association à la chimiothérapie en situation péri-opératoire pour l’adénocarcinome œsogastrique HER2 positif. Malgré un taux de réponse pathologique amélioré avec l’ajout du trastuzumab, aucun bénéfice en survie n’a été observé, remettant en question l’utilisation de cette approche en pratique courante.

  • magicmine/iStock
  • 01 Avril 2025
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    L’adénocarcinome œsogastrique (AOG) est un cancer dont le pronostic est sombre, avec une survie globale (SG) à 5 ans estimée 30 %, tous stades confondus.

    Environ 10-20 % des AOG présentent une surexpression de HER2 qu’il est possible de cibler par des inhibiteurs spécifiques de HER2. En situation métastatique (notamment en 1ère ligne), le blocage de HER2 apporte un gain significatif en SG (essais ToGA et KEYNOTE 811). Toutefois, en situation péri-opératoire, les bénéfices de l’association d’une chimiothérapie associée à une inhibition de HER2 pour les AOG HER2 positifs n’ont jamais été démontrés, puisque l’essai allemand de phase II PETRARCA (FLOT vs FLOT + double inhibition HER2 par trastuzumab et pertuzumab) a été fermé prématurément dans les suites de la publication des résultats négatifs de l’essai de phase III JACOB.

    L’essai INNOVATION évaluait donc en situation péri-opératoire la pertinence à utiliser une inhibition de HER2 en association à la chimiothérapie dans le cas de l’AOG localisé, opérable.

    Méthodologie

    Il s’agit d’une étude prospective allemande de phase II. Les patients atteints d'un AOG localisé HER2 positif, de stade Ib-III, accessible à une chirurgie étaient éligibles. Les patients ont été randomisés (1:2:2) entre chimiothérapie (bras A ; CapOx ou FOLFOX avant 2019 puis FLOT) vs chimiothérapie + trastuzumab (bras B) vs chimiothérapie + trastuzumab + pertuzumab (bras C), tous administrés en péri-opératoire. L’objectif principal était l’évaluation du taux de réponse pathologique majeure (RPM ; ≤ 10 % de cellules tumorales viables après traitement néoadjuvant). Les objectifs secondaires principaux étaient le taux de résection R0, le taux de réponse pathologique complète (RPC), la toxicité des traitements, la survie sans récidive (SSR) et la SG.

    Résultats

    Dans cette étude, 172 patients ont été randomisés : 35 dans le bras A, 67 dans le bras B et 70 dans le bras C.

    Déjà rapportés au congrès de l’ASCO 2023, l’objectif principal n’était pas atteint avec l’absence de bénéfice significatif démontré des thérapies anti-HER2 sur le taux de réponse pathologique (taux de RPM a : 33 % (A) vs 53,3 % (B) vs 37,9 % (C), au prix d’un toxicité accrue pour l’association chimiothérapie + trastuzumab + pertuzumab (notamment diarrhées et neutropénie de grade ≥ 3).

    Lors du congrès de l’ASCO GI 2025, les données de survie ont été rapportées. A l’ère du triplet de chimiothérapie péri-opératoire par FLOT (soit après amendement apporté au protocole en 2019), aucun gain de survie n’est apporté par l’association à un blocage de HER2 (SSR à 3 ans : 68,4 % (A) vs 65 % (B) vs 53,5 % (C) ; SG à 3 ans : 75,6 % (A) vs 76,9 % (B) vs 65,2 % (C)).

    Conclusion

    Bien que le taux de RPM soit intéressant avec l’association de la chimiothérapie et du trastuzumab en péri-opératoire, aucun bénéfice en survie n’est apporté par cette combinaison à l’ère du FLOT, tant pour la SSR que la SG.

    De même, la double inhibition de HER2 n’améliorait pas ces résultats en plus de provoquer une toxicité clinico-biologique plus marquée.

    Il s’agit d’un nouvel échec de l’association d’une chimiothérapie à une thérapie ciblée anti HER2, en péri-opératoire de l’AOG localisé HER2 positif. Cette association ne peut donc être recommandée en pratique courante. Sa place reste à discuter en réunion de concertation pluridisciplinaire de centre expert, dans le cas de volumineuses tumeurs (downsizing et optimisation des chances de conduire à une chirurgie à visée curatrice R0).

    En parallèle, nous sommes dans l’attente des résultats de survie de l’association d’une chimiothérapie par FLOT avec une immunothérapie anti-PD-(L)1 en péri-opératoire de l’AOG localisé. Des résultats intéressants ont déjà été communiqués avec un bénéfice significatif apporté par l’immunothérapie sur le taux de RPC (essais DANTE, MATTERHORN, Keynote 585).

     

     

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