Onco-Digestif
Carcinomes épidermoïdes de l’œsophage résécables : 5FU-cisplatine Vs DCF Vs chimioradiothérapie avec 5FU-cisplatine
Au Japon, la chimiothérapie néoadjuvante par 5-fluorouracile (5FU) et cisplatine (NeoCF) représente l’un des traitements standards des carcinomes épidermoïdes de l’œsophage localement avancés à la suite des résultats de l’essai JCOG9907 [1]. L’essai de phase III multicentrique JCOG1109 NExT a évalué l’intérêt d’intensifier ce traitement néoadjuvant par l’ajout de docétaxel d’une part ou d’une radiothérapie d’autre part.
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Cet essai randomisé a inclus des patients âgés de 20 à 75 ans ayant un carcinome épidermoïde de l’œsophage de stade IB à III (T4 exclus). Les patients étaient randomisés (1:1:1) entre trois bras : chimiothérapie néodjuvante par 5FU-cisplatine (NeoCF), chimiothérapie néodjuvante par 5FU-cisplatine-docétaxel (NeoCF+D), et chimioradiothérapie à la dose de 41,4 Gy en 23 fractions avec par 5FU-cisplatine concomitants (NeoCF+RT). Une oesophagectomie totale ou subtotale associée à un curage régional était réalisée dans les 56 jours suivant la fin du traitement néoadjuvant.
L’objectif principal était la survie globale (SG) et les objectifs secondaires la survie sans progression (SSP), le taux de résection R0, la réponse objective, la réponse histologique complète (pCR), et la toxicité. L’hypothèse statistique était de montrer une amélioration du taux de SG à 3 ans de 10 % avec les groupes NeoCF+D et NeoCF+RT par rapport au groupe NeoCF. Il n’était pas prévu de comparaison entre les bras NeoCF+D et NeoCF+RT.
La chimiothérapie néoadjuvante par DCF est supérieure à celle par PF
Entre 2012 et 2018, 601 patients ont été inclus dans 44 hôpitaux japonais avec une majorité d’hommes (88 %) et un âge médian de 64 ans. Les tumeurs étaient localisées majoritairement au niveau du tiers moyen de l’œsophage (59 %) et étaient localement avancées (68 % de T3, 80 % de N+). Les caractéristiques étaient bien équilibrées entre les trois bras. La compliance au traitement néoadjuvant était de l’ordre de 85 % dans les trois bras. Le taux de résection était également comparable entre les trois bras, de l’ordre de 91 % avec cependant un taux de résection R0 plus élevé dans le bras NeoCF+RT (98 % versus 89 % avec NeoCF et 93 % avec NeoCF+D). Après un suivi médian de 50,7 mois, en comparaison au bras NeoCF, le taux de SG à 3 ans était significativement plus élevé dans le bras NeoCF+D (72,1 % versus 62,6 %, HR = 0,68, IC95 % = 0,5-0,92, p = 0,006) mais pas dans le bras NeoCF+RT (68,3 % versus 62,6 %, HR = 0,84, IC95 % = 0,63-1,12, p = 0,012).
Plus de neutropénies fébriles avec le DCF
Le taux de SSP à 3 ans était également significativement plus élevé dans le bras NeoCF+D (61,8 % versus 47,7 %, HR = 0,67, IC95 % = 0,51 - 0,88) mais pas dans le bras NeoCF+RT (58,5 % versus 47,7 %, HR = 0,77, IC95 % = 0,59-1,01). Le taux de rechute locale était inférieur dans le bras NeoCF+RT alors que celui de métastases à distance l’était dans le bras NeoCF+D. Une neutropénie fébrile de grade 3-4 est survenue chez 1 %, 16 % et 5 % des patients des groupes NeoCF, NeoCF+D et NeoCF+RT, respectivement. Les taux de décès toxiques et de complications post-opératoires étaient similaires entre les trois groupes.
Des résultats à confirmer
En résumé, le traitement par NeoCF+D suivi d'une œsophagectomie était associé à une amélioration statistiquement significative de la SG par rapport au NeoCF et pourrait devenir le nouveau standard pour les patients atteints de carcinome épidermoïde de l'œsophage localement avancé au Japon. Les limites de cette étude incluent son design en ouvert, sa population issue d’un seul pays, l'exclusion des patients de plus de 75 ans et des stades T4a, ainsi qu'une période de suivi courte. Les groupes expérimentaux ont été choisis sur la base d’études de faisabilité réalisées précédemment par les auteurs. Le protocole de chimioradiothérapie (CRT) n’est pas standard puisque la chimiothérapie concomitante n’est pas celle du schéma CROSS [1] et il n’y avait pas d’immunothérapie adjuvante en cas de résidu tumoral après chirurgie R0 [2]. De plus, la technique de radiothérapie est ancienne (3D) et ne prend pas en compte les mouvements respiratoires.
L’absence de bénéfice en SG dans le groupe NeoCF+RT pourrait s’expliquer par une mortalité non liée au cancer plus élevée, d’origine cardio-pulmonaire, qui serait évitable avec les techniques modernes de radiothérapie épargnant le cœur et les poumons, et une chimiothérapie concomitante mieux tolérée tel que le carboplatine-paclitaxel ou le FOLFOX. Par ailleurs, cette étude n’avait pas pour objectif de comparer directement les groupes NeoCF+D et NeoCF+RT, il n’est donc pas possible de conclure à la supériorité d’une chimiothérapie pré-opératoire de type NeoCF+D par rapport à une CRT néoadjuvante.
Références
1- Kato K, Machida R, Ito Y, et al. Doublet chemotherapy, triplet chemotherapy, or doublet chemotherapy combined with radiotherapy as neoadjuvant treatment for locally advanced oesophageal cancer (JCOG1109 NExT): a randomised, controlled, open-label, phase 3 trial. Lancet 2024;404:55-66.
2- Ando N, Kato H, Igaki H, et al. A randomized trial comparing postoperative adjuvant chemotherapy with cisplatin and 5-fluorouracil versus preoperative chemotherapy for localized advanced squamous cell carcinoma of the thoracic esophagus (JCOG9907). Ann Surg Oncol 2012; 19: 68–74.
3- Eyck BM, van Lanschot JJB, Hulshof MCCM, et al. Ten-year outcome of neoadjuvant chemoradiotherapy plus surgery for esophageal cancer: the randomized controlled CROSS trial. J Clin Oncol 2021;39: 1995–2004.
4- Kelly RJ, Ajani JA, Kuzdzal J, et al. Adjuvant nivolumab in resected esophageal or gastroesophageal junction cancer. N Engl J Med 2021;384: 1191–203.











