Onco-Digestif

Cancer de l’œsophage : allonger le délai entre radiochimiothérapie pré-opératoire et la chirurgie ?

L'intérêt de l'allongement du délai entre radiochimiothérapie pré-opératoire et chirurgie a été étudié dans l'essai NeoRes II.

  • Dr_Microbe/iStock
  • 17 Avril 2024
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    Actuellement, il n’existe pas de délai consensuel entre la fin de la radiochimiothérapie (RCT) préopératoire et la chirurgie chez les malades traités pour un cancer de l’œsophage. Classiquement et conformément au design de l’essai hollandais CROSS, ce délai est de 4-6 semaines (1).

    Des données issues de l’analyse de cohortes ont suggéré que l’allongement du délai entre RCT et chirurgie à 10-12 semaines permettrait d’améliorer le taux de réponse histologique complète et le résultat oncologique (2).
     

    L’étude NeoRes II 

    Le but de l’étude randomisée de phase III multicentrique internationale NeoRes II était de comparer les résultats oncologiques de malades opérés d’un cancer de l’œsophage après RCT préopératoire selon un délai classique de 4-6 semaines ou prolongé de 10-12 semaines.

    Le critère de jugement principal était le taux de réponse histologique complète ypT0 sur la pièce d’oesophagectomie pour les adénocarcinomes même si les patients ayant un carcinome épidermoïde étaient éligibles à l’inclusion dans l’essai pour l’évaluation des critères secondaires. Les auteurs ont également évalué la réponse histologique (TRG), le taux de résection chirurgicale dans les deux bras de traitement, la survie globale et la survie sans récidive.

    Résultats

    De 2015 à 2019, 249 malades ayant un cancer de l’œsophage ont été inclus et randomisés après RCT pour être opérés après un délai conventionnel (n = 125) ou un délai prolongé (n = 124). La chirurgie initialement planifiée a pu être pratiquée chez 223 malades, 117/125 après délai conventionnel et 106 / 124 après un délai prolongé (p = 0,036).

    Le taux de réponse histologique complète était de 21 % après délai conventionnel et 26 % après délai prolongé (p = 0,429). Il n’y avait pas de différence entre les deux bras de traitement concernant la réponse histologique mesurée selon le TRG. Il existait une détérioration significative du premier quartile (25 % des décès) de survie globale atteint dès 14,2 mois après délai prolongé contre 26,5 mois après délai conventionnel (p = 0,003).

    Bien que l’association ne soit pas statistiquement significative il existait une augmentation de 35% de la probabilité de décès chez les malades opérés après un délai prolongé par rapport au délai conventionnel (hazard ratio 1,35, intervalle de confiance 95 % = 0,94-1,95, P = 0,107). Il n’y avait pas de différence entre les deux bras de traitement concernant la survie sans récidive. Les auteurs ont conclu que l’allongement du délai entre RCT et chirurgie ne permettait pas d’augmenter le taux de réponse histologique complète. Cette stratégie pourrait en outre s’accompagner d’une augmentation du risque de décès.

    La conception méthodologique de l’étude est peu critiquable. Les résultats concernant le critère de jugement principal sont robustes. Il est cependant difficile de comprendre l’inclusion des malades ayant un carcinome épidermoïde (18 % dans le bras conventionnel et 23 % dans le bras prolongé) qui agit comme un facteur d’hétérogénéité. Ces malades n’ont été pris en compte que dans l’analyse des critères secondaires et ont donc été inclus dans l’analyse de survie.

     
    Conclusions

    Alors que les résultats ne sont pas significatifs sur la survie à long terme, il existe une détérioration sur le premier quartile de décès. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : la morbimortalité postopératoire peut-être favorisée par l’allongement du délai et le mauvais pronostic des malades non répondeurs qui perdent des chances en raison de l’allongement du délai. Ce dernier élément a pu avoir une influence comme l’indiquent les auteurs et ce résultat peut avoir des conséquences importantes pour la pratique.

    Actuellement des stratégies non opératoires peuvent être discutées y compris chez les malades avec un adénocarcinome ayant bien répondu au traitement. Le résultat péjoratif des malades non répondeurs opérés tardivement suggère que l’évaluation de la réponse ne devrait pas être effectuée de façon trop tardive pour ne pas pénaliser ces malades mauvais répondeurs qui doivent être opérés à 4-6 semaines.

    Cette étude montre assez clairement que l’allongement du délai entre RCT et chirurgie n’a pas d’effet sur le taux de réponse histologique complète des malades pris en charge pour un cancer de l’œsophage. Le délai de 4-6 semaines doit donc rester la référence.

     

    1. Ann Oncol. 2022;33(10):992-1004.
    2. Ann Surg. 2014;260(5):807-814.

     

     

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