Onco-thoracique
CBNPC muté HER2 : quelle place pour quel conjugué anticorps–médicament ?
L’ASCO 2023 a été l’occasion de faire un point sur les conjugués anticorps-médicaments (Antibody Drug-Conjugate) ciblant HER2 dans le Cancer Bronchique Non à Petites Cellules (CBNPC).
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Les conjugués anticorps-médicaments (Antibody Drug-Conjugate) sont des traitements qui associent un anticorps dirigé vers un antigène de la cellule tumorale (souvent un récepteur transmembranaire), à un agent cytotoxique dont le rôle est l’activation de l’apoptose une fois internalisé en intracellulaire par le récepteur cible. L’agent cytotoxique est associé à l’anticorps via un « linker ».
Le récepteur transmembranaire HER2 (Human Epidermal Growth Facor receptor 2) est surexprimé dans 20 à 40 % des CBNPC (détectable en IHC), amplifié dans 2-3 % des CBNPC (détectable en FISH), et muté dans 1-2 % des CBNPC (détectable en biologie moléculaire). Le trastuzumab est un anticorps ciblant le récepteur HER2. Deux anticorps-conjugué-médicament utilisant le trastuzumab ont été testés dans le CBNPC et les résultats ont été présenté à l'ASCO 2023.
Le Trastuzumab-Emtansine (T-TDM1)
Le trastuzumab-emtansine (T-DM1) associe le trastuzumab à l’emtansine, un agent anti-microtubule. Le linker n’est pas clivable dans le T-DM1. Il a été administré lors d’un essai de phase II en 2019 à 49 patients atteints d’un CBNPC métastatique avec surexpression de HER2 (distinction faite en IHC entre HER2 2+ et 3+). Un total de 4 réponse partielles a été observé dans le sous-groupe IHC 3+, et aucune réponse au traitement n’a été observée dans le sous-groupe IHC 2+.
Dans les cohortes IHC 2+ et IHC 3+, la médiane de PFS est de 2,6 mois (95 % CI, 1,4–2,8) et 2,7 mois (95 % CI, 1,4–8,3), respectivement; la médiane d’OS était de 12,2 mois (95 % CI, 3,8–23,3) et 15,3 mois (95 % CI, 4,1–NE), respectivement (Peters et al. 2019).
Weiler et al. rapportent en 2015 un cas de patient atteint d’un CBNPC avec une mutation exon 20 de HER2, qui présente sous T-DM1 une réponse rapide. De même Li et al. (JCO 2018) rapportent en 2018 un taux de réponses partielles de 44 % chez 18 patients mutés HER2 atteints d’un CBNPC métastatique lourdement prétraités. La médiane de PFS était de 5 mois.
Le trastuzumab-Deruxtecan (T-DXd)
Le trastuzumab-deruxtecan (T-DXd), associe quant à lui l’anticorps trastuzumab au deruxtecan, un inhibiteur de la topoisomérase. Le linker est dans ce cas clivable, et l’on peut donc s’attendre à un surplus d’effet bystander (destruction des cellules tumorales autours de la cellule cible par déversement de l’agent cytotoxique dans le plasma). Des cas de réponses durables sous T-DXd ont été observés après échec du T-DM1 (Li et al. 2020).
L’essai de phase 1 avec le T-DXd dans le CBNPC muté HER2 montre au taux de réponse de 72,7 % avec une médiane de PFS de 11,3 mois [IC95 % 8,1-14,3], Tsurutani et al. 2020.
CBNPC mutés ou surexprimant HER2
Dans ce contexte, l’essai DESTINY-LUNG01 de phase 2 (NCT03505710) a proposé le T-DXd aux patients atteints d’un CBNPC muté HER2 ainsi qu’aux patients atteints d’un CBNPC avec surexpression de HER2, au stade métastatique après échec du traitement standard. Les résultats étaient encourageants principalement chez les patients mutés HER2, plus que chez les patients avec surexpression de HER2.
Ainsi l’essai récent de phase II DESTINY-LUNG02 a randomisé des patients atteints d’un CBNPC métastatique mutés HER2 dans 2 bras de dose de traitement par le T-DXd (5,4 mg/kg et 6,4 mg/kg). Le taux de réponse globale (ORR) variait de 43 % à 54 % en fonction des doses respectives. Cependant une toxicité de grade ≥ 3 dans 58 % des cas avec la forte dose, et dans 32 % des cas avec la faible dose ont été décrites.
Le T-DXd a été approuvé par la FDA en 2ème ligne après échec de la 1ère ligne chez des patients atteints d’un CBNPC métastatique muté HER2. Les conjugués anticorps-médicaments (Antibody Drug-Conjugate) ne sont pas disponibles en France pour les patients atteints d’un CBNPC en dehors d’essai clinique.
Pour conclure, ces traitements sont innovants et semblent avoir un effet, surtout chez les patients mutés HER2. Cependant, la toxicité reste importante et nécessite une vigilance lors de l’utilisation de ces molécules. Une sélection plus stricte des patients qui pourraient en bénéficier, ainsi qu’une amélioration des profils de toxicité de ces molécules semblent nécessaires.











