Psychologie

TCA : les réseaux sociaux "sont devenus un facteur déclencheur"

À l’occasion de cette semaine de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires en France, les experts signalent qu’en glorifiant la minceur et en diffusant des conseils dangereux, les réseaux sociaux peuvent favoriser leur développement chez les jeunes.

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  • 02 Jun 2025
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    Anorexie, boulimie ou hyperphagie boulimique, ces troubles des conduites alimentaires (TCA) touchent 900.000 personnes dans l’Hexagone, selon la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB). Ces affections psychiatriques graves peuvent concerner "tout type de populations, femmes, hommes, de tous âges et de tous les milieux sociaux." Cependant, les jeunes femmes et les femmes sont beaucoup plus susceptibles d’en souffrir, bien que les taux soient en hausse chez les hommes. Selon l’Assurance Maladie, des facteurs génétiques, familiaux, biologiques et de vulnérabilité psychologique peuvent favoriser ces pathologies. Cependant, l'impact culturel et le rôle social de l'alimentation influencent également le comportement alimentaire.

    Les réseaux sociaux, "un obstacle à la guérison" des TCA

    À l’occasion de la semaine de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires en France, du 2 au 8 juin, des experts ont pointé du doigt le rôle des réseaux sociaux. Pour les professionnels qui prennent en charge des adolescents touchés par les TCA, la désinformation provenant d'influenceurs sur des plateformes comme TikTok et Instagram constitue un problème majeur. Selon Nathalie Godart, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent à la Fondation Santé des Étudiants de France, les réseaux sociaux "ne sont pas la cause, mais la goutte d'eau qui fait déborder le vase. En prônant la minceur, des régimes alimentaires stricts et une activité physique intensive, les réseaux sociaux fragilisent des personnes déjà vulnérables et amplifient la menace pour leur santé.""On ne traite plus un trouble alimentaire sans s'attaquer également à l'utilisation des réseaux sociaux. C'est devenu un déclencheur, un accélérateur et un obstacle à la guérison", a déclaré, à l'AFP, Carole Copti, diététicienne et nutritionniste à Paris. Même son de cloche du côté de Charlyne Buigues, infirmière spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. "Les réseaux sociaux sont une porte d'entrée vers ces problèmes banalisés en ligne. (…) Prendre des laxatifs ou vomir est présenté comme un moyen parfaitement légitime de perdre du poids, alors qu'en réalité, cela augmente le risque d'arrêt cardiaque."

    TCA : une guérison plus difficile et plus longue à cause des réseaux sociaux

    Pour rappel, l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie boulimique peuvent altérer l’émail des dents et entraîner la survenue de caries ou d’une gingivite, mais également des lésions gastriques, des perturbations métaboliques et une anémie causée par une carence en fer et en vitamines B. Autre conséquence : une perturbation des règles et une baisse de la fertilité. Les personnes touchées peuvent aussi être atteintes d’une perte de la densité osseuse et d’une dénutrition. "La dénutrition et la perception déformée de soi-même peuvent participer à une aggravation du manque d'estime de soi. Peuvent apparaître une hyperémotivité, une impulsivité, une anxiété, des pensées obsessionnelles, une dépression et des idées suicidaires. (…) Le manque d'estime de soi et les obsessions alimentaires induisent un isolement social, un repli sur soi et, parfois, une interruption des études et de l'activité professionnelle", indique l’Assurance Maladie.

    Pour prévenir toutes ces complications et guérir, une prise en charge pluridisciplinaire est essentielle. Problème : celle-ci est complexifiée par les réseaux sociaux. "La consultation, c’est un peu devenu mon procès. Je dois sans cesse me justifier et batailler pour leur faire comprendre que non, il n’est pas possible de tenir en ne mangeant que 1.000 calories par jour - la moitié de leurs besoins - ou que non, ce n’est pas normal de sauter des repas. Les patients sont complètement endoctrinés et je ne fais pas le poids, moi, avec ma consultation de 45 minutes par semaine, face à des heures passées quotidiennement sur TikTok", a expliqué Carole Copti. Nathalie Godart a également mis en garde contre la montée en puissance des "pseudo-coachs" qui partagent des conseils nutritionnels "aberrants". "La parole de ces influenceurs pèse beaucoup plus que celle des institutionnels. On rame constamment pour passer des messages simples sur l’alimentation."

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