Enquête

Du pétrole dans nos assiettes : faut-il s’inquiéter de l’hexane alimentaire ?

L’hexane, un solvant issu du pétrole utilisé pour extraire l’huile des graines, a été retrouvé dans de nombreux aliments comme le beurre, les œufs ou le poulet, selon une enquête de Radio France.

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  • 28 Mai 2025
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    Saviez-vous qu’un solvant issu du pétrole, l’hexane, pouvait se retrouver dans vos œufs, votre beurre ou votre poulet ? Longtemps passé inaperçu, ce composé chimique utilisé pour extraire l’huile des graines est aujourd’hui dans le collimateur de scientifiques et de journalistes. Selon une récente enquête de Radio France, des résidus d’hexane ont été détectés dans 25 produits alimentaires sur 54 analysés.

    Un solvant discret mais omniprésent

    L’hexane est très prisé des industriels pour son bas coût et son efficacité. Utilisé depuis les années 1930 dans la fabrication d’huile et d’agrocarburants, il permet de récupérer jusqu’à 20 % d’huile supplémentaire dans les graines pressées. Ce solvant est attiré par les graisses : une fois l’huile extraite, les restes solides, appelés tourteaux, sont donnés aux animaux d’élevage. Ainsi, l’hexane se retrouve indirectement dans notre alimentation – des huiles aux poulets, en passant par les margarines, les beurres et les œufs.

    Toxicologiquement, l’hexane n’est pas anodin. L’Anses a classé sa molécule principale, le n-hexane, comme potentiellement neurotoxique et reprotoxique, c’est-à-dire qui a des effets sur le système nerveux et sur la fertilité. "Moi, en tant que parent, me dire que mon enfant consomme du pétrole, même si c’est résiduel, ça me dérange beaucoup", témoigne Johann Bonnet, fondateur de la marque Petits Culottés, qui propose un lait infantile garantissant l’absence d’hexane.

    Les travaux de Valentin Menoury, chercheur à l’INRAE, ont montré que des résidus d’hexane se transfèrent dans le lait des vaches nourries avec des aliments traités au solvant. Son étude révèle que le taux baisse nettement quand un solvant biosourcé est utilisé à la place. Si ces travaux sont validés, "ce sera une première preuve scientifique du transfert d’hexane de l’alimentation des animaux vers leur lait, alors que cela n'avait jamais été envisagé par les autorités sanitaires et les législateurs", note France Info.

    Vers une prise de conscience ?

    L’Union européenne n’a pas réévalué les limites de résidus d’hexane depuis 1996. "La valeur limite légale, ce n’est pas la valeur limite analytique", souligne Dorothée Dewaele, ingénieure à l’université de la Côte d’Opale. Aujourd’hui, les technologies permettent de déceler des traces bien en dessous des seuils légaux, et l’EFSA, le gendarme européen des aliments, envisage une révision complète. Une première réunion est prévue pour juin 2025.

    Ce sujet interpelle également les politiques. Le député Richard Ramos (MoDem) plaide pour une transparence totale : "On parle d'auxiliaire alimentaire, mais le consommateur ne sait pas ce que c'est. En tout cas, c'est un produit sur lequel il y a un doute. Donc, je dois au minimum le dire au consommateur et le mettre sur l'étiquette". Car aujourd’hui, rien n’oblige les industriels à mentionner la présence d’hexane, même si les résidus sont bien là.

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