Dépression
Comment l’Internet haut débit nuit à la santé mentale des ados
Une étude espagnole révèle un lien troublant entre l’accès à Internet haut débit via la fibre optique et la dégradation de la santé mentale chez les adolescents, en particulier les filles, plus touchées par la dépression et les tentatives de suicide.

- Par Stanislas Deve
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Anxiété, dépression, automutilations... Depuis une décennie, les signaux d’alerte se multiplient autour de la santé mentale des adolescents. Dernier exemple en date : "Les hospitalisations pour tentatives de suicide chez les jeunes filles ont quintuplé entre 2012 et 2019 en Espagne", selon une étude publiée dans le Journal of Health Economics. Mais que se cache-t-il derrière cette détérioration rapide et marquée du bien-être ? Une équipe espagnole a examiné une hypothèse controversée : l'effet du déploiement de la fibre optique sur la santé mentale des jeunes de 15 à 19 ans.
Pourquoi les filles sont-elles plus touchées ?
En exploitant les données hospitalières recueillies entre 2007 et 2019, les chercheurs ont constaté que "chaque augmentation d’un écart-type de la couverture en fibre est associée à une hausse de 13,3 % des diagnostics de troubles mentaux chez les adolescents". Mais l’effet ne touche pas tout le monde à égalité : ce sont exclusivement les filles qui portent cette augmentation, avec un pic de +112,3 % pour les cas d’automutilation et de tentatives de suicide.
L’analyse met en lumière plusieurs mécanismes. Le principal est l’usage compulsif du web et des réseaux sociaux, amplifié par le débit rapide. "L'accès à la fibre augmente l'usage addictif d'Internet, réduisant le temps de sommeil, les devoirs et les interactions sociales", expliquent les auteurs. En outre, "les filles ont plus tendance à utiliser Internet comme stratégie d’évitement pour faire face à des émotions négatives". Autre conséquence inattendue : la baisse de la qualité des relations parents-enfants. "L’expansion de la fibre dégrade la relation entre les adolescentes et leurs parents, surtout avec leur père", relèvent les chercheurs. Aucun effet comparable n’a été observé chez les garçons.
"Toute technologie a un coût invisible"
Ces résultats, bien que spécifiques à l’Espagne, font écho à des tendances observées ailleurs sur les risques des écrans, des réseaux sociaux et du scrolling, mis en évidence étude après étude. "L’effet de l’Internet haut débit sur la santé mentale est réel, profond et genré", affirment les auteurs. Faut-il donc réguler davantage l’accès des adolescents aux réseaux sociaux et contenus en ligne ? L’Utah, aux Etats-Unis, a déjà pris les devants en imposant le consentement parental pour les mineurs sur les réseaux sociaux. En France, les autorités envisagent depuis peu une interdiction du téléphone avant 11 ans et des réseaux sociaux avant 15, voire un possible référendum sur l’usage des écrans chez les enfants.
Si la connectivité numérique est devenue essentielle, cette étude espagnole rappelle que "toute technologie a un coût invisible". Un coût qu’il devient urgent de prendre en compte pour préserver la santé mentale des plus jeunes.