Projet de loi
Fin de vie : que prévoit le texte en discussion pour les enfants ?
La proposition de loi sur la fin de vie actuellement étudiée par l’Assemblée nationale ne concerne que les personnes majeures, excluant ainsi les enfants et les adolescents atteints d’une maladie incurable et mortelle.

- Par Sophie Raffin
- Commenting
- gorodenkoff/istock
Le projet de loi sur la fin de vie en discussion à l’Assemblée nationale depuis le début de la semaine prévoit que les patients atteints "d’une maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme" et "victime de souffrances réfractaires (qu'on ne peut pas soulager) ou insupportables" puissent demander l’aide à mourir. Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, ils devront être capables de manifester leur volonté "de façon libre et éclairée", mais également être majeurs.
Certains s’interrogent sur l’exclusion des mineurs du dispositif, alors que la Loi Leonetti-Claeys permet aux enfants et adolescents ayant "un pronostic vital engagé à court terme" de bénéficier de la sédation profonde et continue depuis 2016. Il s’agit d’une problématique complexe pour la société, les professionnels de santé et les familles… encore plus, même, que l’euthanasie elle-même.
Fin de vie : l’épineuse question des enfants au pronostic vital engagé
Ouvrir le projet de loi sur la fin de vie aux enfants et aux adolescents poserait en premier lieu un problème juridique. Interrogée par le journal 20 minutes, Aline Cheynet de Beaupré, professeur de droit à l’Université d’Orléans, explique "les mineurs sont frappés juridiquement d’une incapacité, afin qu’ils ne prennent pas de décision qui leur serait préjudiciable. Ils ne peuvent par exemple pas subir une intervention médicale sans l’accord de leurs parents. S’ils pouvaient demander l’euthanasie, ce serait problématique au regard du droit." Mais des raisons médicales, éthiques et médicales s’ajoutent à l’exclusion des mineurs du texte étudié par les députés. Il y a très peu de demandes de sédation profonde et continue pour les enfants. Pourquoi ? Tout d'abord, la majorité des personnes réclamant ce dispositif ou l’accès à l’aide à mourir sont atteintes de maladies neurodégénératives comme la maladie de Charcot. Or ces dernières sont peu fréquentes chez les jeunes. "Dans les pathologies qui les concernent, comme les cancers pédiatriques, soit les enfants s’en sortent rapidement, soit leur état se dégrade et ils tombent alors dans la loi Leonetti sur l’arrêt des traitements", explique Grégoire Moutel, professeur de médecine et directeur de l’Espace de réflexion éthique de Normandie à 20 min. Et il y a bien sûr le tabou entourant la mort d’un enfant. “C’est dur pour des parents de dire "on souhaite la mort de notre enfant”, même si on les comprend très bien. Ils peuvent avoir du mal à l’assumer publiquement", ajoute le professionnel de la santé. Par ailleurs, le texte prévoit que le patient soit apte à "manifester sa volonté de façon libre et éclairée". Si le dispositif était ouvert aux enfants, il pourrait être difficile d’évaluer s’ils ont bien compris et évaluer la situation et ses conséquences. Toutefois, certains professionnels de la santé, à l’exemple du Dr Grégoire Moutel s'interrogent sur la possibilité d’abaisser l’âge pour l’ouvrir aux adolescents les plus âgés en capacité pour leur part de donner un consentement libre et éclairé clair. Par exemple, les jeunes filles peuvent avoir recours à une IVG sans le consentement d’un parent à partir de 15 ans.
Fin de vie des enfants : que prévoient nos voisins européens ?
De nombreux pays européens ont adopté des dispositifs de fin de vie et d’euthanasie depuis plusieurs années. La Belgique et les Pays-Bas les ont aussi ouverts aux mineurs. Nos voisins belges ont été les premiers au monde, en 2014, à retirer la limite d’âge pour l’euthanasie. Seuls six mineurs y ont recours depuis l’adoption de la loi. Comme les adultes, ils ont dû exprimer leur volonté clairement et ont eu des entretiens avec des psychiatres, pédopsychiatres et professionnels afin que leur capacité de discernement soit évaluée.
Les Néerlandais qui autorisaient l’euthanasie pour les majeurs, les enfants de plus de 12 ans pouvant exprimer leur consentement et les bébés de moins d’un an avec le consentement des parents, a également retiré toute notion d’âge en 2023. Ainsi les enfants de moins de 12 ans atteints d’une "maladie ou d’un trouble si grave que la mort est inévitable et […] attendue dans un avenir prévisible" peuvent aussi bénéficier d’une aide à mourir "lorsqu’il s’agit de la seule alternative raisonnable pour un médecin de mettre fin aux souffrances désespérées et insupportables de l’enfant".