Infectiologie

Infection et AINS : pas de majoration du risque de décès mais complications possibles

Les malades hospitalisés pour grippe et qui prennent des AINS n'ont pas un risque plus élevé de décès ou d’hospitalisation en réanimation que ceux qui n'en prennent pas. Mais des complications semblent possibles, en particuliers chez ceux qui en prennent au long cours.

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  • 06 Juillet 2020
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    Dans une étude observationnelle nationale au Danemark sur des malades souffrant d’une grippe virologiquement confirmée, aucune majoration statistique du risque de décès à 30 jours ou d’hospitalisation en unité de soins intensifs n’a pu être observée entre ceux qui prenaient un AINS dans les 60 jours précédents, ou qui venaient d’initier un traitement AINS, et ceux qui n’en prenaient pas.

    Par contre, une majoration du risque d’admission en USI est observée chez les malades qui prennent des AINS de façon chronique, essentiellement des malades plus fragiles avec des affections chroniques. Cette étude est publiée dans JAMA Network.

    Une étude nationale observationnelle

    L’étude a porté sur 7 747 patients, de 71 ans d’âge médian [59-80], dont 3 980 atteints d'une grippe confirmée, avec ou sans pneumonie. Globalement, le risque de décès à 30 jour est de 7,7% (n=600) et le risque d’admission en unité de soin intensif est de 13,7% (n=1062). Parmi ces derniers, 520 (6,7%) avaient pris un AINS dans les 60 jours précédant l’admission. Les malades qui avaient pris un AINS sont plus jeunes que ceux qui n’en avaient pas pris.

    Cette étude de cohorte a utilisé un appariement par des scores de propension parmi 7747 personnes âgées de 40 ans ou plus qui ont été hospitalisées pour une grippe, confirmée par une PCR ou une sérologie, entre 2010 et 2018. Les données ont été recueillies dans les registres nationaux danois et l’élément discriminant était la prescription d'un AINS dans les 60 jours précédant l'admission.

    Majoration du risque de complications

    Dans cette étude de cohorte nationale de malades atteints de grippe ou de pneumonie liée à la grippe, la prise d'AINS récente ou incidente, n’est pas associée à une augmentation significative du risque de mortalité à 30 jours ni d'admission en unité de soins intensifs. Des associations similaires sont observées pour les patients souffrant de pneumonie bactérienne.

    Par contre, et en cohérence avec des études précédentes, un risque accru de complications pleuropulmonaires à type d’empyème, est observé chez les utilisateurs d'AINS souffrant de pneumonie bactérienne.

    Un lien incertain entre AINS et aggravation

    L'exposition aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez des malades souffrant de pneumonie bactérienne a été associée à une augmentation de la fréquence des complications pleuropulmonaires, telles que l'empyème. Au cours de la pandémie actuelle à coronavirus 2019 (Covid-19), des cas de patients sans comorbidité qui ont développé des formes graves de Covid-19 après avoir utilisé des AINS au stade précoce de la maladie ont été rapportés.

    Bien que l'Agence européenne des médicaments ait déclaré qu'il n'existe actuellement aucune preuve scientifique établissant un lien entre l'utilisation des AINS et la gravité de l’infection par le virus de la Covid-19, une incertitude persiste quant à savoir si l'utilisation des AINS peut être considérée comme sûre dans cette maladie où sa prescription peut être intéressante du fait de la fièvre.

    Une possible association péjorative

    Au plan biologique, une relation de cause à effet entre l'utilisation d'AINS et des complications de la pneumonie bactérienne est plausible. Les AINS altèrent la fonction des neutrophiles et le recrutement vers le site inflammatoire par inhibition de la cyclo-oxygénase-2 et peuvent donc retarder la résolution du processus inflammatoire. En outre, l'utilisation d’un AINS augmente le risque d'insuffisance rénale chez les patients gravement malades et peut également augmenter le risque de complications cardiovasculaires.

    Surtout, les AINS peuvent masquer les premiers symptômes d'une complication de la pneumonie en luttant contre la fièvre et la douleur pleurale, ce qui peut retarder une intervention médicale. C'est ce qu'indiquent les conclusions du BMJ qui a observé que les personnes qui prennent de l'ibuprofène ont plus de visites chez leur médecin généraliste que celles qui prennent du paracétamol (20 % contre 12 %) en raison de symptômes ou de complications.

    Une interprétation avec prudence

    Dans cette étude sur une pneumonie virale, la prise d'AINS n’est pas associée à une augmentation cliniquement significative du risque d'admission en soins intensifs ou de décès chez les patients hospitalisés pour cause de grippe. Un résultat à prendre avec prudence, en particulier chez les malades qui souffrent de co-morbidités et ceux qui prennnent des AINS au long cours, où le risque semble exister (en contradiction avec les recommandations actuelles).

    Bien que des études spécifiques sur l'association entre la prise d’AINS et l'évolution de la maladie Covid-19 soient nécessaires, les données actuellement disponibles, y compris la présente étude, ne semblent pas valider une contre-indication à l'utilisation des AINS chez les patients atteints de pneumonie virale. Par contre, il semble nécessaire de surveiller la prise d’ibuprofène, qui peut rendre service du fait de sa plus longue demi-vie que le paracétamol, en particulier la nuit, et de prévenir les malades : ils doivent absolument consulter si leur consommation d’AINS augmente, ce qui est un équivalent à l’augmentation de la fièvre ou de la douleur.

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