Cardiologie

Mort subite : la nifédipine à forte dose en majore le risque

Lors d’un banal traitement contre l’hypertension artérielle ou l’angor, la nifédipine à 60 mg par jour doublerait le risque de mort subite.

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  • 19 Mars 2019
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    La nifédipine, un inhibiteur calcique couramment utilisé dans l'hypertension artérielle et l'angine de poitrine, est associé à un risque accru d'arrêt cardiaque et de mort subite lorsqu’il est utilisé à la dose de 60 mg par jour. Cet effet dramatique, longtemps ignoré car difficile à analyser puisqu’il survient en dehors de l’hôpital, n’est pas retrouvé avec un autre inhibiteur calcique de type dihydropyridine, l’amlodipine, quelle qu’en soit la dose.

    Le risque de mort subite avec la nifédipine à forte dose a pu être révélé parce qu’il a été analysé à partir d’une analyse combinée de 2 registres du consortium européen sur les arrêts cardiaques (ESCAPE-NET). L’étude a été présentée au congrès de l'EHRA 2019.

    Pas toutes les dihydropyridines

    L'utilisation de nifédipine à forte dose (60 mg/jour et plus), mais pas à faible dose (moins de 60 mg/jour), est associée à un risque significativement accru d'arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital, par comparaison à la non-utilisation de dihydropyridines, avec un odds-ratio de 1,5 dans le registre ARREST et de 2,0 dans le registre DANCAR.

    La nifédipine à forte dose est également associée à un risque accru d'arrêt cardiaque en dehors de l'hôpital par comparaison à l'amlodipine quelle qu’en soit la dose, les odds-ratio étant de 2,3 et 2,2 dans les registres ARREST et DANCAR, respectivement. Il n'y a aucun risque associé à l'amlodipine.

    Une analyse sur 2 registres européens

    L'analyse a été réalisée à partir des données du registre néerlandais de réanimation d'Amsterdam (ARREST, 2005-2011) et confirmée dans le registre danois des arrêts cardiaques (DANCAR, 2001-2014), qui appartiennent tous deux au consortium européen ESCAPE-NET. Chaque patient ayant subi un arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital en raison d'une fibrillation ou d'une tachycardie ventriculaire a été apparié à cinq témoins pour l'âge et le sexe. Les contrôles provenaient du réseau néerlandais PHARMO Database Network et de la population générale du Danemark.

    L'étude a examiné l’impact d’un traitement par la nifédipine et l'amlodipine, des inhibiteurs calciques de type dihydropyridine largement utilisés dans l'hypertension artérielle et l’angor. Au total, l'étude comprenait 2 503 patients et 10 543 témoins dans l'analyse ARREST et 8 101 patients et 40 505 témoins dans l'analyse DANCAR. Les doses de nifédipine les plus souvent utilisées dans cette étude sont de 30 mg et 60 mg (la dose de 90 mg est utilisée) et les doses d'amlodipine analysées sont de 5 mg et 10 mg.

    Une confirmation biologique

    Ces résultats sont renforcés par une étude de l’impact de ces inhibiteurs calciques sur des cultures de cellules cardiaques humaines. Les dihydropyridines agissent en bloquant les canaux calciques de type L et l’expérimentation a montré qu'aux doses étudiées, les deux inhibiteurs calciques bloquaient ces canaux ioniques, raccourcissant ainsi le potentiel d'action dans la cellule cardiaque.

    Un potentiel d'action plus court peut faciliter l'apparition des arythmies ventriculaires mortelles à l’origine d’un arrêt cardiaque. La nifédipine à dose élevée (60 mg) cause un raccourcissement du potentiel d'action plus important que l'amlodipine à dose élevée (10 mg).

    Une découverte surprise

    Ces résultats peuvent paraître surprenants dans la mesure où la nifédipine est prescrite depuis de nombreuses années et chez de nombreux patients. Mais la raison pour laquelle cette découverte n’est faite que maintenant peut s'expliquer par le fait que l'arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital est très difficile à étudier.

    Il nécessite, en effet, des données recueillies spécifiquement à cette fin et, jusqu'à présent, il n'y avait pas suffisamment de dossiers de patients pour tester l'impact des médicaments. ESCAPE-NET, qui est un consortium européen, rend ces analyses possibles en reliant d'importantes cohortes à travers l'Europe, dont ARREST et DANCAR ce qui permet de valider les résultats dans différentes populations.

    Les fortes doses de nifédipine à l’index

    La nifédipine et l'amlodipine sont souvent utilisées par de nombreux cardiologues et médecins dans l’hypertension artérielle et l’angor. Selon le Dr Hanno Tan, chef du projet ESCAPE-NET et cardiologue au Centre médical académique d'Amsterdam : « les deux médicaments sont généralement considérés comme étant aussi sûrs et efficaces l'un que l'autre et ni l'un ni l'autre n'avaient été jusqu’ici associé à un risque de mort subite ».

    « Cette étude suggère que la nifédipine à forte dose peut augmenter le risque de mort subite en raison d'une arythmie cardiaque mortelle, alors que l'amlodipine ne le ferait pas. Si ces résultats sont confirmés dans d'autres études, il faudra en tenir compte lorsqu'on envisagera d'utiliser l'un ou l'autre médicament ».

    Les arrêts cardiaques, ou morts subites, sont responsables d'environ la moitié des décès cardiaques en Europe et d'un décès naturel sur cinq. ESCAPE-NET a été mis en place pour explorer les causes de ces arythmies afin de les prévenir.

    High-dose nifedipine use is associated with increased risk of out-of-hospital cardiac arrest: multi-country case-control study. TE Eroglu et al. Abstract P568. EHRA 2019.

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