Toxicologie
5-FU : éviter les toxicités létales par simple dépistage de déficit enzymatique
Face à l’absence de consensus national ou international sur les modalités de dépistage d’un déficit enzymatique préalablement à un traitement par 5-FU pouvant éviter des effets indésirables graves voire létaux, l’ANSM rappelle certaines possibilités de prévention.
- ridofranz
Les traitements anticancéreux à base de fluoropyrimidines (5-fluorouracile et capécitabine) sont parmi les plus utilisés pour de nombreux cancers. Or, une surexposition à ces médicaments dont le métabolisme et la dégradation dans l’organisme dépendent d’une enzyme hépatique, la dihydropyrimidine deshydrogénase (DPD) peut provoquer des toxicités sévères parfois d’évolution fatale. Ces dernières sont notamment dues au déficit partiel ou total de l’enzyme en question, que l’on peut dépister avant de mettre en place un traitement anticancéreux à base de fluoropyrimidines.
Des décès évitables mais une absence de consensus
La problématique actuelle réside dans l’absence de consensus national ou international sur les modalités de dépistage de ce déficit enzymatique. Dans l’attente d’un aboutissement des discussions prévu courant 2018, l’ANSM rappelle cependant aux professionnels de santé les différents moyens dont ils disposent pour réduire la survenue de ces toxicités aigües. Le dépistage est réalisé à l’aide de tests de génotypage et de phénotypage de la DPD. Son coût est pris en charge par les établissements de santé dans le cadre de leur inscription sur la liste des actes complémentaires. Leur performance demeure néanmoins à confirmer.
L’intérêt d’un dépistage systématique du déficit en DPD visant à réduire les toxicités sévères et létales liées au traitement par fluoropyrimidines est souligné par des recommandations du Groupe de Pharmacologie Clinique Oncologique – Unicancer et le Réseau National de Pharmacogénétique Hospitalière, actualisées en février 2018.
En pratique, en cas de survenue d’une intoxication à une fluoropyrimidine, l’ANSM rappelle également qu’il existe un antidote, le Vistogard (uridine triacétate) qui dispose depuis 2015 d’une AMM aux Etats-Unis. Son utilisation en France dépend d’une ATU nominative octroyée par l’ANSM.
De nombreux patients concernés
80 000 nouveaux patients par an peuvent être concernés par ces traitements anticancéreux qui constituent 60% des traitements (cancers colorectaux, digestifs, sein, et ORL). Selon l’Institut de cancérologie de l’Ouest 10% des patients sont déficitaires partiels en DPD et 2 pour 1 000 sont déficitaires complets. Ces derniers présentent un risque de décès. Ces toxicités surviennent rapidement : entre deux à cinq jours après la fin de la cure de chimiothérapie. Lorsque le déficit est complet le patient est exposé à une « toxicité polyviscérale » avec diarrhées très importantes (et déshydratation), aplasie, syndrome main-pieds (réactions inflammatoires), chute de cheveux, coma et décès.
En cas de diagnostic de déficit partiel, il n’y a pas de contre-indication stricte pour le traitement par 5-FU mais la posologie doit être réduite et adaptée au métabolisme du patient. Selon l’ICO, cette approche fait diminuer le pourcentage d’effets secondaires graves de 20-25% à 0,6%. Le nombre de décès imputables à cette absence de dépistage s’élève à 120 voire 150 par an. Comme il n’existe pas de recommandation nationale des autorités de santé, réaliser le dépistage du déficit enzymatique n’est pas obligatoire. En revanche, si le patient le demande, l’oncologue ne peut pas le lui refuser.











