Cardiologie
Covid-19 et cœur : des recommandations contre un impact profond et durable
Deux à 5% de toutes les infections à SARS-CoV-2 déclenchent et aggravent des atteintes cardiovasculaires à la phase aiguë et sur le long cours. Un consensus de l’ESC propose une prévention cardiovasculaire « tout au long du parcours Covid » avec : dépistage ciblé, réadaptation cardiaque structurée et maintien de la vaccination, dans une approche individualisée.

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Au-delà du tropisme respiratoire, le SARS-CoV-2 affecte le cœur et les vaisseaux par des mécanismes inflammatoires, thrombo-emboliques et dysautonomiques. À l’hôpital, les corticoïdes améliorent le pronostic respiratoire mais peuvent détériorer la physiologie cardiaque. La prise en charge de la Covid-19 doit donc intégrer une prévention cardiovasculaire active, quel que soit le statut vaccinal.
Les complications aiguës (myocardite, péricardite, infarctus du myocarde, AVC, embolie pulmonaire, troubles du rythme, insuffisance cardiaque) se prolongent chez certains patients dans un Covid long cardiaque, associant angor, dyspnée, palpitations, intolérance orthostatique, fatigue et vertiges. Plus de 20 % des Covid longs ont des symptômes cardiaques, soit un ordre de grandeur de 2–5 % de toutes les infections.
Le message central du consensus de l’European Society of Cardiology (ESC) est double : réduire l’incidence par la prévention primaire (vaccination, contrôle des facteurs de risque) et réduire la sévérité par un diagnostic précoce et une réadaptation cardiaque adaptée.
Continuum du risque cardiovasculaire et recommandations
Le consensus de l’ESC couvre l’infection aiguë, les antécédents de Covid, les réinfections, le Covid long et la période post-vaccinale. Il propose d’orienter le dépistage vers les patients à risque élevé (patients hospitalisées, comorbidités, antécédents CV) et de structurer l’évaluation des symptômes persistants. La réadaptation cardiaque est positionnée comme intervention clé : programmes supervisés de reconditionnement et de physiothérapie spécialisée, avec bénéfices attendus sur la dyspnée, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie. Sur le plan populationnel, environ 100 millions de personnes vivent avec un Covid long dans le monde et près de 5 % d’entre elles auraient un phénotype cardiaque.
La vaccination reste un levier majeur : les personnes complètement vaccinées ont un risque nettement plus faible de complications cardiaques et de Covid long, même en cas d’infection ultérieure. Côté iatrogénie, le consensus pointe le risque de recours à des traitements non éprouvés et le besoin d’encadrer les médicaments (comme les corticoïdes) aux effets cardiovasculaires potentiellement défavorables, au profit d’interventions validées et mieux sécurisées comme la réadaptation. Les événements cardiaques post-vaccinaux sont pris en compte, mais leur balance bénéfice-risque demeure largement favorable au maintien des programmes vaccinaux.
Un consensus pour changer la pratique
Ce texte est un consensus d’experts des associations de l’ESC, bâti sur une revue exhaustive des données disponibles (phase aiguë, post-aiguë, réinfection, post-vaccination) et sur la définition OMS du Covid long (symptômes nouveaux dans les 3 mois, durant plus de 2 mois, sans autre cause). Sa représentativité est large pour l’Europe et transposable aux systèmes disposant d’accès à la vaccination, à la réadaptation et aux filières de soins CV ; elle reste tributaire de l’hétérogénéité des études et de l’évolution temporelle des variants.
Selon l’ESC, ce consensus d’expert appelle à institutionnaliser la prévention cardiovasculaire du Covid : intégration d’un dépistage standardisé des symptômes cardiaques persistants en soins primaires, accès équitable aux programmes de réadaptation (y compris modalités à distance pour zones rurales), poursuite des campagnes vaccinales, et personnalisation du suivi selon le profil de risque. Les priorités de recherche portent sur des essais d’intervention ciblant le Covid long cardiaque, l’optimisation des parcours de réadaptation, la stratification du risque par biomarqueurs et imagerie, et l’évaluation coût-efficacité des stratégies de prévention à long terme. Cet agenda vise à transformer un cadre consensuel en pratiques fondées sur des preuves, pour atténuer durablement la charge cardiovasculaire post-Covid.