Psychiatrie
Insomnie : un antagoniste sélectif du récepteur de l’orexine-2 change la donne
Un antagoniste sélectif du récepteur de l’orexine-2 (OX2R), le seltorexant réduit la latence d’endormissement et les éveils nocturnes dès la première prise et maintient cet effet à 14 jours, avec une tolérance globalement favorable. Les performances surpassent le zolpidem à J13 pour l’endormissement et, à 20 mg, pour le maintien du sommeil.

- ViktorCap/istock
L’insomnie est fréquente et délétère (somnolence diurne, chutes, dépression, insulinorésistance, coût de santé accru) alors que les hypnotiques GABAergiques (benzodiazépines et « Z-drugs ») exposent à une somnolence résiduelle, dépendance et risques cognitifs, surtout chez le sujet âgé. L’orexine pilote l’état d’éveil, principalement via le récepteur de l’orexine-2 (OX2R) ; son blocage sélectif promet un sommeil plus physiologique mais un double antagonisme de l’orexine 1 et 2 (DORA) peut majorer le REM (rapid eye movement sleep ou sommeil paradoxal) mais au détriment du sommeil non-REM.
Dans un essai de phase 2b, multicentrique, randomisé, en double aveugle, versus placebo et zolpidem (5–10 mg), 364 adultes (18–85 ans ; âge moyen 57,8 ans ; 67,6 % de femmes) avec une insomnie (ISI ≥15) ont reçu 14 nuits de seltorexant 5, 10 ou 20 mg, un antagoniste sélectif des récepteurs de l’orexine-2 (OX2R). Il existe une relation dose-effet significative dès la nuit 1 sur la latence à un sommeil persistant (LPS) et l’éveil cumulé sur 6 h (WASO-6). Versus placebo, les rapports LSM de LPS sont de 0,64 (IC à 90 0,51–0,81) à 10 mg et 0,51 (0,41–0,64) à 20 mg, et à 20 mg le seltorexant faisait mieux que le zolpidem (LSM 0,71 ; 0,57–0,88). Pour le WASO-6, les résultats sont : LSM 0,68 (0,55–0,85) à 10 mg et 0,60 (0,48–0,74) à 20 mg. L’essai est publié dans le JAMA Psychiatry.
Constance de l’effet, architecture préservée, sécurité rassurante
Les gains observés la nuit 1 se maintiennent la nuit 13 pour 10 et 20 mg, alors qu’ils s’atténuent avec le zolpidem. À J13, comparé au zolpidem, le seltorexant améliore la latency to persistent sleep (LPS) de 30 % (10 mg) et 28 % (20 mg), et à 20 mg réduit le wake after sleep onset over the first 6 hours (WASO-6) de 31 %. Les paramètres polysomnographiques secondaires (efficacité du sommeil, TST sur 6 h, éveil sur la période de sommeil totale) s’améliorent versus placebo dès J1 dans les trois bras seltorexant, avec persistance à J13 pour 10 et 20 mg.
Les bénéfices subjectifs (diaries et PROMs : PROMIS-SD/SRI, PGI-S/I, ISI, CGI-S/I) progressent à J14, contraste notable avec les DORA où l’amélioration subjective est moins constante. L’architecture du sommeil montre des gains parallèles en REM et non-REM avec seltorexant 10–20 mg, sans bascule vers un excès de REM, suggérant un profil distinct des DORA.
Concernant la tolérance, l’incidence d’événements indésirables émergents (TEAE) est plus faible avec le seltorexant combiné (33,8 %, 73/216) qu’avec un placebo (49,3 %, 37/75) et le zolpidem (42,5 %, 31/73). Il y a moins de troubles de l’attention et de somnolence qu’avec le zolpidem. Deux effets indésirables graves sont survenus pendant la phase en double insu (un sous seltorexant 20 mg, un sous zolpidem). Quatre arrêts liés à des anomalies ECG asymptomatiques (3 à 5 mg, 1 à 20 mg) ont été rapportés, sans signal clinique global sur les paramètres cardiaques ; un cas de chute et un cas d’hémorragie cérébrale (causalité non établie) ont été notés sous 20 mg.
Comment lire ces données et quoi changer demain ?
Cet essai de 55 centres dans 6 pays (11/2017–04/2019) a inclus des adultes et des sujets âgés (65–85 ans), sans comorbidité psychiatrique, avec une randomisation 1:1:1:1:1 seltorexant 5/10/20 mg, placebo ou zolpidem, pendant 14 nuits. L’évaluation objective a été réalisée par polysomnographie. La LPS et le WASO-6 ont été analysés après log-transformation (rapports LSM). La représentativité est solide pour les patients sans trouble psychiatrique associé, y compris âgés ; elle est moindre pour les femmes en âge de procréer (<3 %) et pour les insomniaques avec comorbidités psychiatriques. L’incidence des effets indésirables émergeants est un peu plus élevée chez les ≥65 ans sous seltorexant (39,5 % vs 30,7 %), mais reste inférieure à celle observée avec zolpidem chez les plus âgés (48,0 %).
Selon les auteurs, le seltorexant 10–20 mg, antagoniste sélectif des récepteurs de l’orexine-2 (OX2R), émerge comme option de traitement médical non-GABAergiquequi cible le circuit biologique de l’éveil, est efficace sur l’initiation et le maintien du sommeil, tout en respectant mieux l’architecture du sommeil, sans signe d’accoutumance précoce, y compris chez le sujet âgé. Une surveillance ECG peut être judicieuse chez les plus âgés compte tenu des rares arrêts pour anomalies asymptomatiques. Il est désormais nécessaire de réaliser des essais à plus long terme pour étudier la durabilité de l’effet et la sécurité (chutes, cognition, dépendance), comparatifs directs dans des populations plus diverses (comorbidités psychiatriques, femmes en âge de procréer).