Médecine générale

Douleur chronique après 65 ans : la prégabaline à risque d’insuffisance cardiaque

Dans la douleur chronique non-cancéreuse de la personne de plus de 65 ans, la prégabaline augmente significativement le risque d'insuffisance cardiaque, comparativement à la gabapentine.

  • brizmaker/istock
  • 02 Aoû 2025
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    Face à la crise des opioïdes, la prescription de médicaments non opioïdes tels que la prégabaline et la gabapentine pour les douleurs chroniques non cancéreuses est devenue fréquente, particulièrement chez les patients âgés, vulnérables aux effets indésirables des opioïdes.

    Une vaste étude rétrospective américaine récente menée auprès de plus de 246 000 bénéficiaires de Medicare, c’est-à-dire âgés de 65 à 89 ans, sans antécédent d’insuffisance cardiaque (IC), montre que la prégabaline augmente significativement le risque d'hospitalisation ou de consultation aux urgences pour IC, comparativement à la gabapentine (HR ajusté : 1,48 [IC à 95% 1,19-1,77]).

    Selon les résultats publiés dans JAMA Network Open, l’augmentation du risque est encore plus prononcée chez les patients présentant déjà une maladie cardiovasculaire (HR ajusté : 1,85 [IC à 95% 1,38-2,47]).

    Prégabaline et insuffisance cardiaque : un risque émergent confirmé

    Cette cohorte comporte 18 622 nouveaux utilisateurs de prégabaline et 227 615 nouveaux utilisateurs de gabapentine sans antécédents d’insuffisance cardiaque. Le taux annuel d’insuffisance cardiaque est de 18,2 pour 1000 patients-années avec la prégabaline contre 12,5 pour 1000 avec la gabapentine. Un sur-risque similaire, bien que moindre, est observé pour les diagnostics ambulatoires d’insuffisance cardiaque (HR ajusté : 1,27 [IC95% 1,02-1,58]). Aucun impact significatif sur la mortalité toutes causes n’a été retrouvé entre les deux groupes (HR ajusté : 1,26 [IC95% 0,95-1,76]).

    Les résultats suggèrent qu'environ six événements supplémentaires d’insuffisance cardiaque par an pour 1000 patients pourraient être attribués à l’utilisation de la prégabaline. Bien que modeste en apparence, ce chiffre est cliniquement important au vu de la sévérité potentielle de l’insuffisance cardiaque dans cette population déjà fragile. La tolérance cardiovasculaire apparaît donc meilleure avec la gabapentine, médicament structurellement similaire mais pharmacologiquement distinct, notamment par une affinité moindre pour les sous-unités α2δ des canaux calciques de type L, présentes dans le muscle cardiaque.

    Une augmentation nette du risque cardiovasculaire sous prégabaline

    Ces données proviennent d’une étude rétrospective utilisant une importante base de données américaine (Medicare) entre 2015 et 2018. L’analyse a été ajustée rigoureusement sur 231 covariables par méthode d’inverse probabilité de traitement, réduisant ainsi le risque de biais lié aux facteurs confondants. Malgré ces précautions, les limites intrinsèques des études observationnelles (absence d'information sur l’adhésion médicamenteuse, l'utilisation d’autres médicaments en vente libre, et l’absence de données précises sur la fonction cardiaque initiale) restent à considérer.

    Selon un éditorial associé, ces résultats incitent néanmoins à une vigilance particulière lors de l'initiation de la prégabaline, notamment chez les patients âgés ou ayant des antécédents cardiovasculaires. À terme, des études prospectives, intégrant des paramètres cardiaques plus détaillés, seront nécessaires pour confirmer et préciser ces résultats. Dans l’immédiat, ces données doivent guider les cliniciens vers un choix prudent des gabapentinoïdes chez le sujet âgé à risque cardiovasculaire.

     

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    JDF