Cardiologie

Risque cardiovasculaire : encore trop d’aspirine inutile en prévention primaire

Une enquête nationale américaine montre qu’un adulte sur six de plus de 50 ans prend encore de l’aspirine pour prévenir un événement cardiovasculaire alors qu’il n’a aucun antécédent personnel. Près d’un quart l’a même initiée sans avis médical, exposant inutilement cette population vieillissante à un sur-risque hémorragique.

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  • 03 Jul 2025
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    L’aspirine en prévention primaire ne donne qu’un modeste bénéfice cardiovasculaire et majore significativement le risque de saignements digestifs. Malgré le tournant opéré par les sociétés savantes depuis 2019, qui réservent l’aspirine aux rares patients à haut risque sans antécédent mais à faible risque hémorragique, son usage persiste aux États-Unis. L’équipe de l’Université du Michigan a exploité le National Poll on Healthy Aging, interrogeant 2 511 personnes de 50 à 80 ans.

    Les résultats de cette cohorte représentative montrent que, 17 % déclarent utiliser de l’aspirine à faible dose en prévention primaire. Plus préoccupant, 23 % de ces utilisateurs l’ont débutée de leur propre chef et 8 % n’en avaient jamais discuté avec un professionnel de santé. Ces données, publiées dans le Journal of the American College of Cardiology, confirment l’écart croissant entre recommandations et pratique courante.

    La perception des bénéfices reste majoritairement optimiste

    Les répondants de 50 à 69 ans seraient 2,3 fois plus nombreux à consommer de l’aspirine que ceux de 70 à 80 ans, alors même que les guidelines ACC/AHA la déconseillent formellement après 70 ans. Les femmes et les ménages dont le revenu dépasse 60 000 $ ont respectivement des odds ratios ajustés de 1,4 et 1,3 pour cette prescription hors recommandation.

    La perception des bénéfices reste majoritairement optimiste : 83 % estiment que l’aspirine améliore leur santé générale, 80 % qu’elle diminue le risque d’infarctus, et 29 % qu’elle protège de la démence. En miroir, seuls 68 % reconnaissent l’augmentation du risque hémorragique, pourtant confirmé par les essais récents (ARRIVE, ASPREE). Aucune donnée de sécurité « en vie réelle » n’est collectée dans cette enquête, mais l’écart de perception souligne le besoin d’éducation thérapeutique, voir la lutte contre l’influence croissante des réseaux sociaux.

    Aborder systématiquement la question de l’automédication antithrombotique dès 40 ans

    Le National Poll on Healthy Aging repose sur un panel web stratifié selon l’âge, le sexe, l’origine ethnique et la région des États-Unis, pondéré pour correspondre à la population américaine de 50-80 ans. Les informations sont auto-rapportées, source possible de biais mémoriel, et l’absence de vérification pharmacologique objective limite la précision sur la posologie ou la durée d’exposition. Néanmoins, la taille de l’échantillon et l’indépendance vis-à-vis des prescripteurs offrent une photographie fiable de l’usage « hors consultation ».

    En pratique, les auteurs recommandent d’aborder systématiquement la question de l’automédication antithrombotique dès 40 ans, de réévaluer l’indication à chaque décennie et de documenter clairement le risque hémorragique avant toute prescription. Les recherches futures devront explorer les leviers pédagogiques efficaces auprès des patients et tester, dans des populations européennes, l’impact d’interventions ciblées de déprescription sur l’incidence des hémorragies majeures et la morbidité cardiovasculaire réelle.

     

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    JDF