Oto-rhino-laryngologie

Cancer ORL localement avancé : un nouvel horizon avec l’immunothérapie périopératoire

Deux cycles d’immunothérapie en néoadjuvant puis quinze cycles en adjuvants, en complément de la chirurgie et de la radio(chimio)thérapie, abaisseraient d’un tiers le risque de rechute ou de décès à trois ans sans accroître la toxicité sévère. Le bénéfice serait maximal pour les tumeurs PD-L1 CPS ≥ 10.

  • stefanamer/istock
  • 19 Jun 2025
  • A A

    Le carcinome épidermoïde des voies aéro-digestives supérieures (HNSCC) localement avancé demeure grevé d’un taux de rechute d’environ 30 % malgré le standard établi il y a vingt ans d’une association de chirurgie suivie d’une radiothérapie seule ou associée au cisplatine selon les essais EORTC 22931 et RTOG 9501. Fort du rôle pivot de l’immunothérapie anti-PD-1 (pembrolizumab) dans les formes métastatiques de ces cancers, l’essai randomisé ouvert KEYNOTE-689 a évalué son intégration en péri-opératoire.

    L’essai a été publié dans le New England Journal of Medicine, 714 patients résécables (stades III-IVA) ont été randomisés entre, soit deux cures en néoadjuvant (200 mg toutes les trois semaines) puis quinze cures en adjuvant de pembrolizumab en plus du traitement standard (chirurgie + radio(chimio)thérapie), soit traitement standard seul.

    À 38,3 mois médian de suivi, la survie sans événement (EFS) à 36 mois atteint 59,8 % versus 45,9 % dans la population PD-L1 CPS ≥ 10 (HR 0,66 ; IC95 % 0,49-0,88 ; p = 0,004), 58,2 % versus 44,9 % dans la population CPS ≥ 1 (HR 0,70 ; p = 0,003) et 57,6 % versus 46,4 % dans la population totale (HR 0,73 ; p = 0,008). Ces résultats attestent pour la première fois d’un bénéfice clinique des inhibiteurs de PD-1 dans un contexte à visée curative.

    Nette baisse des récidives à distance dans tous les groupes

    L’analyse des critères secondaires confirme que la réduction absolue d’échec du traitement est portée principalement par la baisse des récidives à distance, tandis que le contrôle loco-régional progresse modestement. Tous les sous-groupes défavorables – tumeurs HPV-négatives, marges chirurgicales positives, extension extracapsulaire ou stade ganglionnaire N2-N3 – tirent un avantage similaire (HR autour de 0,7). L’effet décroît lorsque l’expression de PD-L1 diminue ; les rares tumeurs CPS < 1 (4,5 % de l’effectif) ne paraissent pas bénéficier, avec même une tendance inverse (3 événements sous pembrolizumab versus 8 sous contrôle).

    Sur le plan de la tolérance, les événements indésirables (EI) liés au traitement de grade ≥ 3 sont comparables (44,6 % avec pembrolizumab contre 42,9 %), incluant des décès liés au traitement dans 1,1 % et 0,3 % des cas respectivement. Les EI potentiellement immunomédiés sévères concernent 10,0 % des patients, taux cohérent avec les données métastatiques, et aucun signal inattendu n’a été détecté. La faisabilité opératoire reste intacte (chirurgie accomplie chez 88 % des deux groupes).

    Une étude multicentrique ouverte, stratifiée sur le score CPS

    Conduite dans 104 centres de 24 pays, cette étude multicentrique ouverte, stratifiée sur le score CPS, combine rigueur statistique et pragmatisme de terrain ; pour autant, l’hétérogénéité des approches chirurgicales et radiothérapeutiques, la prédominance de profils occidentaux, tabagiques et HPV-négatifs, et la faible représentation des carcinomes nasopharyngés ou HPV-positifs limitent la généralisation. L’emploi séquentiel de pembrolizumab (induction, concomitance potentielle avec la radiothérapie, puis maintenance) alourdit la durée, le coût et la logistique du parcours, soulignant l’urgence de stratégies de sélection : expression PD-L1 élevée, biomarqueurs circulants, réponse pathologique majeure après induction.

    Selon un éditorial associé, ces données plaident pour discuter le pembrolizumab péri-opératoire chez les patients CPS ≥ 10 en RCP, en visant la réduction des métastases et la possibilité future de dé-escalader la dose de radiothérapie ou d’éviter le cisplatine. Les recherches en cours exploreront l’appariement avec la chimiothérapie d’induction, l’adaptation adjuvante guidée par la réponse et l’extension à des protocoles organo-conservateurs. La confirmation d’un gain de survie globale à long terme décidera de l’adoption définitive de ce schéma comme nouveau standard.

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.