Cardiologie
Fibrillation atriale : lutter contre le risque de récidive d’un AVC sous anticoagulant
Malgré une anticoagulation optimale, le risque annuel de récidive d’AVC ischémique en cas de fibrillation atriale reste élevé (≈ 4 % par an), atteignant 7 % chez les patients ayant déjà fait un AVC sous anticoagulant. Une nouvelle génération de stratégies, occlusion de l’auricule, filtres carotidiens, contrôle du rythme, doit être explorée pour améliorer la prévention secondaire.

- Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
La fibrillation atriale (FA) est responsable d’un tiers des AVC ischémiques et la prévalence mondiale de l’AVC avoisine 94 millions de cas en 2021. Or, le nombre de patients atteints de FA et d’AVC associés est en forte hausse avec le vieillissement de la population. Les anticoagulants oraux (AOD) réduisent le risque d’AVC de 60 %, mais les récidives demeurent un défi critique : près de 40 % des AVC liés à la FA surviennent sous AOD.
Cette revue systématique avec méta-analyse (23 cohortes, 78 733 patients, 140 307 années-patients), publiée dans le JAMA Neurology, montre un risque annuel résiduel de premier AVC ischémique récidivant sous AOD de 3,75 % (IC à 95 % 3,17–4,33 %) et un taux d’hémorragie intracérébrale (HIC) de 0,58 % par an.
Le risque est plus élevé dans les études en vie réelle
Pour l’ensemble des récidives d’AVC (ischémique ou hémorragique), le taux annuel moyen est de 4,88 % (IC à 95 % 3,87–5,90 %), avec une hétérogénéité inter-études importante (I² = 98 %). Les cohortes non-interventionnelles en vie réelle ont un risque plus élevé (6,28 %/an) que celles issues d’ESS (2,68 %/an, p < 0,001).
Dans le sous-groupe des patients ayant déjà eu un AVC sous ADO (n = 10 989, 1 106 récidives), le risque annuel d’AVC ischémique bondit à 7,20 % (IC à 95 % 5,05–9,34 %) ; tout AVC : 8,96 %/an ; HIC : 1,40 %/an.
Les analyses de sensibilité (≥ 90 % d’AO en sortie, études à faible biais) confirment un risque résiduel élevé (AVC : ~3,2 %/an). Aucun autre signal de tolérance n’a émergé, hormis l’augmentation attendue d’HIC en vie réelle.
Origine des données, représentativité et perspectives
Malgré une utilisation élevée des ACO, le risque résiduel de récidive d'AVC ischémique d'environ 4 % par an aboutit à ce qu’un patient sur six souffrant de FA connaîtra une récidive d'AVC ischémique dans les cinq ans. Le risque de récidive d'AVC est deux fois plus élevé chez les patients inclus dans les cohortes non interventionnelles par rapport ceux inclus dans les essais cliniques randomisés, ce qui indique un risque plus élevé dans la pratique réelle que ce qui était estimé précédemment. Les patients atteints de FA qui ont un AVC malgré l'utilisation d'un AOD constituent un groupe à très haut risque, avec un risque de rechute avoisinant les 9 % par an. Prises ensemble, ces données indiquent que le paradigme actuel de traitement pour la prévention secondaire des AVC dans la FA n'est pas optimal et l’on sait que le changement d’AOD ou l’association d’antiagrégants plaquettaires ne marchent pas.
Ces estimations proviennent d’une revue publiée sur PROSPERO (CRD42024587253) et conformes aux recommandations PRISMA : 5989 références initiales, 25 rapports (23 études) retenus après sélection indépendante. Le risque de biais a été évalué via l’outil QUIPS, avec trois études à haut risque. La méta-analyse en effets aléatoires, réalisée sous Stata v17 (commande metaprop), révèle une hétérogénéité élevée (I² > 90 %), reflétant la diversité des populations (Asie, Europe, Amériques) et des pratiques d’ADO (12–100 % au décours).
De nouvelles stratégies et une meilleure individualisation
Selon les auteurs, ces données soulignent l’insuffisance de l’anticoagulation isolée pour la prévention secondaire et justifient l’évaluation urgente de nouvelles approches : occlusion mécanique de l’auricule gauche (ELAPSE, LAAOS-IV), filtres carotidiens (INTERCEPT), stratégies de contrôle du rythme précoce (EAST-STROKE), et cibles anti-inflammatoires (IL-18, NLRP3).
Des travaux précédents ont montré que les patients victimes d'un AVC malgré un traitement anticoagulant sont plus âgés, ont davantage de facteurs de risque cardiovasculaire et présentent un remodelage auriculaire plus avancé que les patients qui ne prenaient pas d'AOD au moment de l'AVC. Cependant, 24 % à 35 % de ces cas présentent des signes d'une étiologie autre de l'AVC, et les mécanismes athérosclotiques prédominent. Cela suggère que les raisons de l'AVC malgré l'anticoagulation sont complexes et qu'une approche individualisée des soins aux patients est nécessaire. Les travaux futurs devraient se concentrer sur l'amélioration de notre compréhension des signatures biologiques associées à un véritable échec des AOD, en particulier chez les patients qui suivent un traitement par AOD et qui n'ont pas de mécanismes d'AVC concurrents. Le développement d’outils de stratification du risque, incluant biomarqueurs, imagerie et morphologie auriculaire, est indispensable pour individualiser la prise en charge. Les cliniciens doivent maintenant anticiper ces innovations et collaborer à la conception d’essais randomisés pour réduire ce risque résiduel inacceptable.