Hématologie

Myélome indolent à haut risque : le daratumumab sous-cutané freine la progression

Le traitement précoce par daratumumab sous-cutané chez les patients présentant un myélome indolent (« smoldering myeloma ») à haut risque réduit significativement le risque de progression vers le myélome multiple actif, améliorant la survie globale sans impact négatif sur la qualité de vie. Cette intervention pourrait redéfinir la prise en charge et repousser la nécessité de thérapies plus agressives.

  • Panuwat Dangsungnoen/istock
  • 10 Décembre 2024
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    Le myélome indolent (ou « smoldering myeloma ») à haut risque représente un stade précoce, asymptomatique, mais instable du myélome multiple, caractérisé par un risque élevé de progression rapide vers la forme active de la maladie et de lésions d’organe. Jusqu’ici, l’approche standard restait la surveillance active, en l’absence de traitements approuvés pour prévenir cette évolution. Plusieurs essais avec le lénalidomide n’ont en effet pas montré de bénéfice dans cette situation.

    Le rationnel de l’essai AQUILA repose sur l’observation que l’interruption précoce du processus pathologique, notamment via un anticorps monoclonal anti-CD38 comme le daratumumab, pourrait ralentir la progression et retarder les lésions d’organes. Les résultats primaires de l’essai AQUILA présentés au congrès annuel de l’ASH et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine, montrent, après un suivi médian de 65,2 mois chez 390 patients randomisés (194 recevant le daratumumab sous-cutané, 196 sous surveillance), une réduction de 51% du risque de progression vers le myélome multiple actif ou de décès (HR = 0,49 ; IC95% : 0,36-0,67 ; p<0,001). À 5 ans, la survie sans progression atteint 63,1 % dans le groupe daratumumab contre 40,8 % sous surveillance, tandis que la survie globale à 5 ans s’élève à 93,0 % contre 86,9 % respectivement.

    Des résultats cohérents dans tous les sous-groupes à haut risque

    L’analyse des données secondaires confirme le bénéfice du daratumumab sur la plupart des sous-groupes de patients à haut risque. Le taux de décès est plus faible dans le groupe traité (7,7 %) que dans le groupe surveillance (13,3 %), suggérant un impact favorable sur la mortalité, indépendamment d’une réponse profonde.

    L’excellente tolérance s’est traduite par un profil de sécurité globalement conforme à celui connu du daratumumab dans le myélome multiple : l’effet indésirable de grade 3 ou 4 le plus fréquent a été l’hypertension, chez 5,7 % des patients traités et 4,6 % sous surveillance. Les infections sévères et événements indésirables graves ont été moins fréquents qu’attendus et l’incidence des cancers secondaires a été similaire entre les deux groupes. Seulement 5,7 % des patients du groupe daratumumab ont dû interrompre le traitement en raison d’effets indésirables. De plus, la qualité de vie auto-déclarée est restée stable et comparable à celle de la surveillance, soutenant le concept d’un bénéfice clinique sans détérioration du vécu patient.

    Une large étude de phase 3 randomisée en double aveugle

    Ces données proviennent d’un essai de phase III, randomisé, comparant une monothérapie de daratumumab sous-cutané, administrée jusqu’à 36 mois ou progression, à une simple surveillance (1800 mg 1 fois par semaine les 2 premières semaines, puis tous les 14 jours jusqu’à 6 semaines puis tous les mois).

    Les critères d’inclusion, définis avant la publication des algorithmes pronostiques plus récents, ciblent une population de patients à risque élevé tel qu’évalué au moment du protocole. Les patients devaient être à haut risque de progression vers un myélome multiple actif, avec un pourcentage de plasmocytes clonaux dans la moelle osseuse d'au moins 10 % et la présence d'au moins un des facteurs de risque suivants : un taux sérique de protéine M d'au moins 30 g par litre, un myélome indolent à IgA, une immunoparésie avec des taux réduits de deux isotypes d'immunoglobulines non impliquées, un rapport des chaînes légères libres impliquées sur les chaînes légères libres non impliquées (rapport FLC) dans le sérum de 8 à moins de 100, ou un pourcentage de plasmocytes clonaux dans la moelle osseuse de plus de 50 % à moins de 60 %. Ces critères non actualisés rendant les résultats robustes mais possiblement hétérogènes selon les définitions plus actuelles du haut risque.

    L’étude AQUILA confirme qu’une intervention thérapeutique précoce dans le myélome indolent à haut risque peut retarder son passage vers la phase active de la maladie et ses complications, modifiant potentiellement les standard de prise en charge. À l’avenir, des critères de stratification plus homogènes, l’évaluation de traitements combinés plus agressifs et le suivi de cohortes plus longues devraient permettre d’optimiser la prise en charge. Selon les auteurs, d’autres essais en cours, évaluant par exemple l’association daratumumab-lénalidomide-dexaméthasone ou des quadruplets thérapeutiques, pourraient affiner la stratégie d’intervention précoce et améliorer encore les taux de rémission moléculaire et la survie, ouvrant la voie à des approches curatives du myélome multiple émergeant.

     

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