Oncologie

Adénocarcinome gastrique à cellules indépendantes : chirurgie d’emblée ou schéma classique ?

Dans un essai contrôlé, une chimiothérapie préopératoire avant la résection peut aussi se pratiquer en présence d’un contingent adénocarcinomateux à cellules indépendantes (ADCI). Le traitement chirurgical d’emblée apparaît un bon traitement mais ne semble pas supérieur au traitement standard.

  • Istock/Dr_Microbe
  • 29 Novembre 2019
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    En cas de cancer gastrique résécable, la présence d’un contingent adénocarcinomateux à cellules indépendantes (ADCI) est associé à un pronostic péjoratif 1.

    Alors que l’administration d’une chimiothérapie préopératoire avant la résection est devenu le traitement de référence dans le cancer de l’estomac 2,3, des données issues de l’étude de cohorte nationale prospective FREGAT avaient suggéré que dans le sous-groupe de malades opérés d’un ADCI, l’administration d’une chimiothérapie préopératoire pouvait avoir un effet délétère sur le résultat oncologique 4.

    PRODIGE 19 pour y voir plus clair


    Le but de l’étude de phase II/III prodige 19 était par conséquent de tester cette hypothèse en analysant les résultats de malades opérés d’un ADCI avec ou sans chimiothérapie préopératoire. Il s’agissait d’un design de phase II classique, d’efficacité non comparatif, et l’objectif pour le bras expérimental (chirurgie seule) était d’atteindre un taux de survie globale à deux ans de plus de 26%. Au total, 83 malades ont été inclus dans 27 centres de novembre 2012 à septembre 2016.

    Le taux de résection est équivalent dans les deux groupes, de 82,5% dans le groupe chimiothérapie préopératoire et de 90% dans le groupe chirurgie d’emblée (NS). Il n’y a pas non plus de différence entre les deux groupes en ce qui concerne la morbidité postopératoire sévère (23% dans le groupe chirurgie d’emblée et 24% dans le groupe chimiothérapie préopératoire) et le taux de résection R0 (78% ans le groupe chirurgie d’emblée et 88% dans le groupe chimiothérapie préopératoire). Le taux de survie globale à deux ans est de 53% (IC90% = 40-67) dans le groupe chirurgie d’emblée et de 60% (IC90% = 46-73) dans le groupe chimiothérapie préopératoire. 



    Des résultats positifs et pourtant 



    L’étude de phase II est par conséquent positive puisque les deux bras de traitement ont atteint le critère d’efficacité. En revanche, à titre exploratoire, les investigateurs ont comparé les deux bras de traitement et il ne se dégage aucune tendance en faveur d’un traitement chirurgical d’emblée. Les auteurs concluent donc que cette étude ne permet pas de remettre en question le schéma classique reposant sur l’administration d’une chimiothérapie préopératoire chez les malades opérés d’un ADCI. Les résultats de l’analyse de la cohorte FREGAT portant sur les ADCI ne sont donc pas confirmés par cette étude contrôlée. Le traitement chirurgical d’emblée apparaît un bon traitement en cas d’ADCI mais il ne semble pas supérieur au traitement standard.

    Il faut noter que la proportion de malades réséqués est un peu plus importante dans le groupe chirurgie d’emblée ce qui se conçoit puisque certains patients, ayant peut-être progressé sous chimiothérapie n’ont pas pu être réséqués. C’était un argument fort en faveur du traitement chirurgical d’emblée en cas d’ADCI. Dans cette étude contrôlée, cela ne se traduit pas par une amélioration du pronostic oncologique à long terme.
 Le traitement du cancer gastrique a évolué en parallèle des inclusions dans l’essai avec notamment l’apport des taxanes dans le régime de chimiothérapie préopératoire. Le protocole FLOT s’est imposé comme le traitement de référence en préopératoire d’une chirurgie pour cancer gastrique et l’intérêt de ce régime de chimiothérapie persiste dans tous les sous-groupes de cancers gastriques y compris les ADCI 5.



    Un essai clinique est irremplaçable


    Cette étude démontre une nouvelle fois que rien ne peut remplacer la réalisation d’un essai contrôlé pour valider l’intérêt et l’efficacité d’une nouvelle stratégie. La recherche clinique actuelle est inondée d’études issues de données médico administratives de très gros volume de qualité parfois plus que médiocre. Le résultat de cet essai devrait être considéré comme une mise en garde. 

    Il faut rendre hommage aux investigateurs de cet essai qui ont réalisé la première recherche sur des données rétrospectives de la base FREGAT qui a permis de formuler l’hypothèse. Le raisonnement scientifique a été poussé jusqu’à la réalisation d’une étude contrôlée pour tester cette hypothèse, hypothèse qui malheureusement ne s’est pas vérifiée. C’est néanmoins un apport majeur pour la communauté.

    J Clin Oncol 37, 2019 (suppl; abstr 4019)

     

    1. Ann Surg. 2009 Dec;250(6):878-87.
    2. N Engl J Med. 2006 Jul 6;355(1):11-20.
    3. J Clin Oncol. 2011 May 1;29(13):1715-21. 
    4. Ann Surg. 2011 Nov;254(5):684-93;
    5. Lancet. 2019 May 11;393(10184):1948-1957.

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