Pédiatrie
Diabète de type 2 de l’adolescent : le traitement change de catégorie
Chez des adolescents insuffisamment contrôlés sous metformine et/ou insuline basale, le tirzépatide abaisse l’HbA1c d’environ 2,3 points en 30 semaines et réduit l’IMC de 7 à 11 %. L’effet glycémique et pondéral se maintient à 52 semaines, avec des effets secondaires dominés par des troubles digestifs légers à modérés.

- Vacharapong Wongsalab/istock
Le diabète de type 2 débutant avant 18 ans progresse rapidement, avec une insulinorésistance marquée, une chute accélérée de la fonction des cellules β et des complications précoces. Les options actuelles (metformine, insuline, analogues du GLP-1, iSGLT2) sont moins efficaces que chez l’adulte et l’impact pondéral reste limité. Le tirzépatide, agoniste dual GIP/GLP-1 hebdomadaire, a montré chez l’adulte des baisses d’HbA1c jusqu’à −2,6 % et des pertes pondérales à deux chiffres.
SURPASS-PEDS est le premier essai pédiatrique contre placebo. Chez 99 participants (âge moyen 14,7 ans ; HbA1c 8,0 %), randomisés tirzépatide 5 mg (n=32), 10 mg (n=33) ou placebo (n=34), le critère principal est la variation d’HbA1c à 30 semaines.
Selon les résultats publiés dans The Lancet, on observe une baisse d’HbA1c de −2,23 % sous tirzépatide (poolé) versus +0,05 % sous placebo avec une différence estimée de −2,28 % (IC à 95 −2,87 à −1,69 ; p<0,0001). Concernant le poids, l’IMC diminue de 7,4 % (5 mg) et 11,2 % (10 mg) à 30 semaines sous tirzépatide, contre −0,4 % sous placebo. Les gains glycémiques se prolongent à 52 semaines, suggérant une durabilité supérieure à celle observée jusqu’ici avec les agonistes du GLP-1 chez l’adolescent.
Au-delà de l’HbA1c : métabolisme global et sécurité
L’efficacité s’accompagne d’une normalisation fréquente : à 30 semaines, sous 10 mg, 86 % des adolescents atteignant une HbA1c ≤6,5 % et 60 % <5,7 %. Les bénéfices s’étendent aux facteurs de risque cardiométaboliques : baisse du tour de taille, amélioration du profil lipidique et de la pression artérielle. Les événements « nouveaux ou aggravés » d’hypertension et de dyslipidémie surviennent chez 29 % et 15 % des témoins, versus 11 % et 3 % sous tirzépatide (groupes combinés). À 52 semaines, la perte pondérale poursuit sa trajectoire (−8 à −14 % du poids ; −9 à −15 % d’IMC) sans plateau apparent, malgré une dose maximale étudiée de 10 mg.
Côté tolérance, les effets indésirables sont majoritairement digestifs, légers à modérés, concentrés en escalade de dose et décroissants avec le temps et on observe deux arrêts (6 %) dans le bras 5 mg, aucun décès. L’hypoglycémie de niveau 2 (<54 mg/dL) est plus fréquente chez les patients sous insuline basale, appelant un ajustement proactif des doses ; sous metformine seule, le signal reste comparable à celui décrit avec d’autres GLP-1 en pédiatrie. Aucun impact défavorable sur les paramètres de croissance n’a été observé.
D’où viennent ces données et que changer en pratique ?
Il s’agit d’un essai de phase 3, multicentrique (39 sites/8 pays), en double insu contre placebo pendant 30 semaines, suivi d’une extension ouverte de 22 semaines où tous les adolescents reçoivent le tirzépatide. Les critères d’inclusion sont : 10 à <18 ans, diabète de type 2 insuffisamment contrôlé sous metformine et/ou insuline basale, et la randomisation est 1:1:1 (5 mg, 10 mg, placebo), stratifiée sur l’âge (≤14/>14 ans) et le traitement de fond. Points forts : plan robuste, rétention élevée, cohérence de sécurité avec l’adulte. Limites : effectif modeste (n=99), période contrôlée courte, sous-représentation de certains groupes (jeunes noirs), absence de mesures de composition corporelle ou de densité osseuse ; extension ouverte limitant l’estimation placebo-ajustée au long cours.
Selon les auteurs, ces résultats positionnent le tirzépatide comme option sérieuse chez l’adolescent en échec de metformine ± insuline basale, avec un double levier glycémique et pondéral inédit dans cette population. Son emploi exige cependant une titration prudente, une dé-intensification de l’insulinothérapie pour réduire l’hypoglycémie, une éducation aux effets digestifs, un suivi nutritionnel et de l’état psychologique, et une surveillance des paramètres tensionnels et lipidiques. Les priorités de recherche incluent des comparatifs face-face versus metformine et insuline, l’exploration de doses >10 mg, l’évaluation à long terme des complications micro/macrovasculaires (CVOT en cours chez l’adulte) et l’étude de la dynamique β-cellulaire et de la sensibilité à l’insuline chez le jeune.
Si ces données se confirment à plus grande échelle, le tirzépatide pourrait amener à reconsidérer l’algorithme thérapeutique pédiatrique, en visant simultanément une HbA1c ≤6,5 % et une réduction d’IMC de 7–10 % dès les premiers mois de prise en charge.