Maladie chronique
Pourquoi les aliments ultra-transformés inquiètent de plus en plus les scientifiques ?
Maladies chroniques, contaminants... Une série d’études publiée dans The Lancet confirme les effets néfastes des aliments ultra-transformés sur la santé et propose des solutions pour limiter leur impact, ainsi que l’influence du lobby industriel.
- Par Stanislas Deve
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Additifs, emballages, procédés chimiques : les aliments ultra-transformés (AUT), bourrés de sucre, sel et graisses saturées, s’imposent plus que jamais dans nos assiettes... mais à quel prix pour notre santé ? Une série d’articles publiée dans The Lancet ce 19 novembre alerte sur les dangers qu’ils représentent, et propose une feuille de route pour endiguer leur progression.
Une menace invisible mais omniprésente
Les AUT représentent 35 % des apports caloriques des Français, et jusqu’à 60 % aux États-Unis, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a participé aux travaux rédigés par un total de 43 experts internationaux. Céréales du petit déjeuner, plats préparés, sodas, nuggets, biscuits industriels... Les AUT sont partout, souvent difficiles à identifier. Et ce, alors même que leur consommation est associée à une hausse significative des pathologies chroniques : maladie de Crohn (+90 %), obésité (+21 %), diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, dépression (+23 %), voire certains cancers comme le cancer colorectal, selon les 104 études analysées dans la série d’articles. "Parmi ces travaux, quatre-vingt-douze indiquent une association entre la consommation d’AUT et le risque de maladie", précise Mathilde Touvier, directrice de recherche Inserm.
Pourquoi ces produits sont-ils si nocifs ? D’après les chercheurs, les AUT favorisent une surconsommation d’aliments malsains, altèrent le microbiote intestinal et exposent à des additifs controversés (édulcorants, émulsifiants, conservateurs). Même à apport calorique équivalent, ils impactent négativement le métabolisme, la fertilité masculine et la satiété. Ce n’est pas tout : des contaminants issus des emballages plastiques ou des procédés industriels de fabrication s’ajoutent à la liste des suspects. Selon Bernard Srour, de l’INRAE, "nous en savons assez pour agir".
Les AUT, un lobby puissant à l’échelle mondiale
Face à l’ampleur du problème, les 43 experts internationaux appellent à des mesures concrètes : étiquetage clair (avec mention de l’ultratransformation, notamment via la classification NOVA), interdiction des AUT dans les cantines, limitation de leur place en supermarché, ou encore restrictions publicitaires, surtout auprès des enfants. Une version du Nutri-Score intégrant un fond noir pour signaler l’ultratransformation est actuellement à l’étude. Il ne s’agit pas seulement d’informer le consommateur, mais de transformer l’environnement alimentaire global.
Pas si simple car, avec un chiffre d’affaires de 1.900 milliards de dollars, le secteur des AUT est l’un des plus rentables au monde. Selon Mélissa Mialon, de l’Inserm, l’industrie déploie toutes sortes de stratégies marketing pour influencer la recherche, retarder les réglementations et façonner l’opinion publique. En 2024, Coca-Cola, PepsiCo et Mondelez, des géants du secteur, ont ainsi dépensé 13,2 milliards de dollars en publicité, presque quatre fois le budget opérationnel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).







