Onco-digestif
Cancer oeso-gastriques opérables : du nouveau du côté des traitements (néo)adjuvants à l’ASCO
Le congrès virtuel de l’ASCO qui vient de se dérouler nous a apporté des éléments nouveaux et utiles pour la pratique concernant les traitements (néo)adjuvants des cancers oeso-gastriques.
- Istock/magicmine
Les résultats de l’essai CheckMate-577, rapportés pour la première fois au dernier congrès de l’ESMO, ont été complétés de nouvelles données à l’ASCO. Pour rappel, cet essai international de phase III a évalué l’intérêt d’une immunothérapie par l’anticorps anti-PD1 nivolumab versus placebo après résection d’un carcinome épidermoïde (CE) ou d’un adénocarcinome (ADK) de l’œsophage chez des patients ayant reçu une radiochimiothérapie (RCT) néoadjuvante et présentant un résidu tumoral sur la pièce opératoire.
Le nivolumab, nouveau standard en adjuvant chez les patients réséqués d’un cancer de l’œsophage après radiochimiothérapie néoadjuvante
Au total, 794 patients ont été randomisés pour recevoir du nivolumab ou un placebo pendant une durée de 12 mois. L’étude a inclus une majorité d’ADK (71%) et la tumeur était localisée au niveau de l’œsophage et de la jonction oeso-gastrique (JOG) dans 60% et 40% des cas respectivement. Les résultats rapportés à l’ESMO avaient montré une amélioration de la survie sans maladie (SSM) dans le bras nivolumab (22,4 mois vs 11,0 mois ; HR = 0,69 ; IC95% : 0,56-0,86 ; p< 0,0003).
Les nouvelles données communiquées à l’ASCO concernent la survie sans récidive métastatique, également en faveur du nivolumab (médiane de 28,3 mois vs 7,6 mois ; HR = 0,74 ; IC95% : 0,60-0,92), avec un taux de récidive métastatique de 29% dans le bras nivolumab vs 39% dans le bras placebo et un taux de récidive locorégionale de 12% vs 17%. La survie sans progression 2, correspondant au temps entre la randomisation et la progression après le premier traitement systémique ultérieur ou le décès était également allongée avec le nivolumab (médiane non atteinte vs 32, 1 mois ; HR = 0,77 ; IC95% : 0,60-0,99), dont la toxicité était très faible, avec seulement 13% d’effets secondaires sévères de grade 3-4 attribués à l’immunothérapie contre 6% dans le bras placebo (dont ≤ 1% de toxicité immuno-médiée) et une qualité de vie similaire dans les deux bras.
Ces données, en grande partie communiquées dans une récente publication, imposent le nivolumab comme le traitement de référence en situation adjuvante chez les patients opérés d’un cancer de l’œsophage avec maladie histologique résiduelle et ayant reçu une RCT néoadjuvante. Il vient d’être approuvé par la FDA aux Etats-Unis et une demande d’AMM européenne auprès de l’EMA est en cours.
Radiochimiothérapie néoadjuvante et chimiothérapie péri-opératoire : même efficacité dans les adénocarcinomes de l’œsophage ou de la jonction oeso-gastrique opérables
Concernant les adénocarcinomes localisés et opérables de l’œsophage ou de la JOG, deux approches complémentaires à la chirurgie ont montré leur efficacité et sont donc actuellement possibles : la RCT néoadjuvante à base de paclitaxel/carboplatine selon le schéma de l’essai CROSS ou une chimiothérapie péri-opératoire à base du schéma FLOT ou d’une association de fluoropyrimidine et sel de platine pour les patients ne pouvant pas recevoir la trichimiothérapie.
L’essai randomisé britannique Neo-AEGIS a comparé les deux approches chez 362 patients porteurs d’un adénocarcinome de l’œsophage ou de la JOG ≤ 8 cm, avec pour objectif de démontrer la non-infériorité de la chimiothérapie péri-opératoire par rapport à la RCT en termes de survie globale. La RCT était conforme au schéma CROSS (41,5 Gy en 23 fractions + paclitaxel/carboplatine hebdomadaire) et la chimiothérapie péri-opératoire de type MAGIC était à base d’épirubicine/cisplatine (ou oxaliplatine)/5-FU (ou capecitabine) (3 cycles pré- et 3 cycles post-opératoires) puis, à partir de juin 2018 suite aux résultats de l’essai de l’AIO, du schéma FLOT (4 cycles pré- et post-opératoires).
Les résultats présentés à l’ASCO sont ceux issus de la 2ème analyse intermédiaire de futilité et montrent l’absence de différence en termes de surgie globale entre les deux bras de traitement, avec un taux de survie à 3 ans de 57% pour la chimiothérapie péri-opératoire et de 56% pour la RCT néoadjuvante (HR= 1,02 ; IC95% : 0,74-1,42). La RCT néoadjuvante permettait cependant plus de réponse histologique complète (16% vs 5%) ou majeure (31,7% vs 12%) et était mieux tolérée que la chimiothérapie péri-opératoire, avec significativement moins de neutropénie (14,1% vs 2,8%, p<0,001), diarrhée (10,9% vs 0%, p<0,001) et vomissement (7,6% vs 2,8%, p<0,035) de grade 3-4, sans majoration des complications post-opératoires.
Les deux approches thérapeutiques semblent donc équivalentes mais la chimiothérapie péri-opératoire utilisée dans l’étude était sous-optimale puisque 85% des patients ont reçu un schéma obsolète de type MAGIC et seulement 15% ont reçu le FLOT. D’autre part, comme on l’a vu plus haut, la stratégie de RCT néoadjuvante est devenue, elle aussi, sous-optimale avec la démonstration de l’efficacité du nivolumab en adjuvant (sauf en cas de réponse histologique complète). L’analyse de l’étude se poursuit mais il est peu probable que l’analyse définitive prévue en 2022 démontre une différence entre les deux traitements.
En attendant le résultat d’autres études en cours, notamment de l’étude allemande ESOPEC (NCT02509286) comparant le FLOT péri-opératoire à la RCT selon CROSS, le choix entre ces deux stratégies reste ouvert, même si on est clairement tentés de privilégier aujourd’hui la RCT néoadjuvante, mieux tolérée, afin d’augmenter les chances de réponse histologique complète et de pouvoir proposer le cas échéant, en cas de résidu tumoral, du nivolumab en adjuvant.
Optimisation de la radiochimiothérapie néoadjuvante par l’immunothérapie ?
Une dernière communication orale a rapporté les résultats d’une étude de phase II ayant évalué la tolérance et l’efficacité de l’association du pembrolizumab à une RCT néoadjuvante de type CROSS chez 39 patients avec ADK de l’œsophage ou de la JOG opérable. Les patients recevaient 2 cycles de chimiothérapie par paclitaxel/carboplatine +/- associé à du pembrolizumab et l’anti-PD1 était poursuivi concomitamment à la RCT puis pendant 12 mois après la chirurgie. Il n’y a pas eu de toxicité de grade 3-4 directement attribuée au pembrolizumab et les complications post-opératoires sévères ne semblaient pas plus fréquentes que celles habituellement observées avec la RCT seule. Une réponse histologique majeure, objectif principal de l’étude, était obtenue chez 19 (49%) patients et était associée à une meilleure survie sans récidive (100% vs 23,5% à 1 an ; p = 0,001) et globale (94% vs 62,5% à 1 an ; p = 0,04).
Cette combinaison semble donc apporter un taux de réponse histologique majeure majoré par rapport au traitement standard sans pembrolizumab. L’étude confirme l’impact pronostique favorable de cette réponse histologique majeure. Il faudra cependant attendre les résultats d’études de phase III (Keynote -975 avec le pembrolizumab et EA2174 avec l’association nivolumab +/- ipililumab) en cours pour changer nos pratiques.








