Infectiologie

Covid-19 : le plasma de convalescent n’améliore pas vraiment les malades

Dans les formes modérées de la Covid-19, le plasma de convalescent réduirait la charge virale mais n'est pas associé à une réduction de la progression vers une forme grave de la maladie ou de la mortalité toutes causes confondues. Un problème de coagulation pourrait être évoqué.

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  • 02 Novembre 2020
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    Le plasma de malade Covid+ convalescent a été testé dans différentes études non randomisées avec un effet potentiel sur la charge virale et la prévention des formes graves. Dans l'essai PLACID, le plasma de convalescent a été évalué rigoureusement dans le traitement des formes modérées de la Covid-19 admises à l'hôpital, mais sans placebo ni double aveugle.

    Dans des analyses en intention de traiter, les chercheurs indiens n'ont trouvé aucun bénéfice clinique net associé à l’administration de plasma de convalescent (2 perfusions de 200 ml de plasma à 24 heures d'intervalle) chez ces patients hospitalisés, et en particulier sur la prévention du passage en réanimation.

    Le critère primaire composite (progression vers une maladie grave ou mortalité toutes causes confondues à 28 jours) est observé chez 19% des patients du groupe intervention (44/235) et 18% des patients du groupe témoin (41/229) (RR de 1,04, IC à 95 % de 0,71 à 1,54). Quand les chercheurs ont limité la comparaison au sous-groupe de malades ayant reçu du plasma dont les titres d'anticorps anti-SARS-CoV-2 étaient détectables, cela n'a pas changé notablement ce résultat.

    Une action potentielle sur la charge virale

    Le principal mécanisme d’action recherché avec le plasma de convalescent est l'action antivirale directe des anticorps neutralisants pour le SRAS-CoV-2. Dans l'essai PLACID, un taux de conversion statistiquement significatif du niveau de l'ARN du SRAS-CoV-2 est apparu au 7ème jour chez les patients du groupe intervention.

    De effets bénéfiques modestes ont également été observés quant à l’amélioration de la dyspnée et de la fatigue. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car l'essai n'a pas été réalisé en aveugle, de sorte que la connaissance du type de traitement reçu pourrait avoir influencé la déclaration de symptômes subjectifs par les patients. Le bénéfice clinique est donc probablement nul alors que l’effet antiviral est possible.

    Une étude qui amène à se poser des questions.

    Les points forts de l'étude sont un critère primaire « dur », un recrutement de patients « en vraie vie », sans exclusion de malades pour comorbidité, une attention particulière à la sélection des donneurs de plasma avec un test quantitatif a posteriori des titres d'anticorps dans tous les échantillons de plasma (un échantillon a été congelé dans ce but à chaque fois), une évaluation des critères secondaires pour tous les patients et une évaluation de l'efficacité dans le sous-groupe des plasma où les titres d'anticorps anti-SARS-CoV-2 étaient détectables.

    Le plasma de convalescent a donc fait ce que l'on espérait, c'est-à-dire baisser la charge virale de SARS-CoV-2, mais il n'y a pas eu de bénéfice clinique net associé pour les patients. Cette constatation amène à se poser la question de remettre en cause l’intérêt de la baisse de la charge virale (qui n'a pas lieu d'être) ou plutôt à rechercher un effet confondant aggravant associé à l’administration de plasma.

    Il est maintenant largement reconnu que la Covid-19 est associée à un désordre thrombotique fréquent  et faisant courir un risque vital. L’infection par le SRAS-CoV-2 produit non seulement un état inflammatoire et une hypercoagulabilité, mais aussi un état hypofibrinolytique, que l'on ne voit pas dans la plupart des autres types de coagulopathies.

    Aggravation potentielle du risque thrombotique

    L'utilisation la plus courante du plasma thérapeutique est la prise en charge des saignements aigus et des coagulopathies complexes. Malgré la présence dans le plasma, qui des centaines de protéines différentes, de facteurs anticoagulants tels que l'antithrombine et la protéine C, l'effet net du plasma est donc plutôt prothrombotique.

    Des risques de thrombose chez les patients âgés, ceux qui ont des facteurs de risque cardiovasculaire et ceux qui sont atteints d'affections hypercoagulantes, sont en particulier régulièrement rapportés.

    Activité procoagulante potentielle du plasma de convalescent

    Dans cette étude PLACID, les événements thrombotiques n'ont pas été un critère préspécifié et n'ont donc pas été analysés. Cependant, il faut noter que la progression vers une maladie grave ou un décès survient également plus souvent chez les patients qui ont reçu du plasma de convalescent sans anticorps neutralisants détectés (20% ; 13/64), contre 18% des témoins (41/229). Dans la mesure où l'étude PLACID est une étude randomisée et contrôlée, il n’est pas possible d’exclure que l’activité procoagulante du plasma ait pu amputer ou effacer le bénéfice potentiel d’une réduction de la charge virale.

    Les dommages potentiels des composants non-immuns du plasma de convalescent doivent donc être rigoureusement étudiés lors de la Covid-19, en particulier les risques prothrombotiques, et il est peut-être préférable de se focaliser sur des études avec des anticorps neutralisants extraits et purifiés à partir du plasma de patients convalescents (dont les taux d’anticorps neutralisants sont suffisamment élevés) que de faire d’autres études sur le plasma de convalescent.

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