Pédiatrie
Adolescent obèse : un futur adulte à haut risque de mort cardiovasculaire prématurée
A l'âge adulte, les adolescents qui étaient obèses ont 5 fois plus de risque de décéder précocemment de maladies cardiovasculaires. Ces résultats publiés dans le NEJM, reposent la question des indications de la chirurgie bariatrique chez les jeunes.
- herjua/Pix5
On savait qu’être obèse à l’adolescence signifie une grande probabilité d’être un adulte obèse. On savait aussi que l’obésité sévère, cette fois-ci à l’âge adulte, augmente considérablement le risque de DC prématuré par maladies cardiovasculaires. Et aujourd’hui on peut boucler la boucle : à savoir qu’être obèse à l’adolescence expose à plus de risque de décès par maladie cardiovasculaire à l’âge adulte et c’est le NEJM qui le confirme dans une étude. Le confirme et ouvre donc la discussion sur l’opportunité de la chirurgie bariatrique chez les adolescents souffrant d’une grande obésité.Plus précisément, avoir à l’adolescence un BMI supérieur au 95ème percentile multiplie par 5, à l’âge adulte, le risque dedécès par atteinte coronarienne et par 2 celui de décès par AVC.
Mais ce n’est pas tout : les adolescents qui ont un BMI à la limite supérieure de la normale, seront aussi des adultes à haut risque : ils ont 2 fois plus de risque de DC par syndrome coronarien que ceux qui avaient ado, un BMI normal.
Ces données sont issues d’une vaste étude sur plus de 2 millions d’adolescents d’âge moyen 17,3 ans, suivis pendant 40 ans et publiée dans le NEJM.
Décès prématuré à 47 ans
Les décès surviennent dès les 10 premières années de suivi, mais le risque est particulièrement élevé dans les 30 à 40 ans de suivi. Plus précisément l’âge moyen de décès est de 47,4 ans pour des raisons cardiaques et 46 ans pour l’AVC. Les autres causes de décès non cardiovasculaires ont aussi été étudiées et comme on pouvait s’y attendre elles sont plus élevées quand l’adolescent a été obèse.
Tout en étant publiée dans la prestigieuse revue qu’est le NEJM, cette étude a cependant des limites. En fait les auteurs n’ont pas intégré des facteurs de risque importants comme le fait de fumer et/ou de faire de l’exercice physique, ainsi que le BMI adulte. Cependant une étude préalable avait montré que ce lien entre BMI à l’adolescence et décès cardiovasculaire plus tard se maintenait même après ajustement au BMI adulte.
Chirurgie bariatrique : 117 mineurs en 2013
En fait, cette étude pose le problème de la prise en charge des obésités, en particulier morbides, chez l’adolescent qui a essuyé de nombreux échecs thérapeutiques. Et bien évidemment on pense à la chirurgie bariatrique pour laquelle la HAS a dénoncé tout récemment les excès et rappelé les bonnes pratiques chez les jeunes, sans pour autant la contre-indiquer. En 2013, 117 mineurs ont subi en France une chirurgie de l’obésité. Or cette intervention n’est pourtant pas indiquée chez les moins de 18 ans. Mais la question se pose parce qu’on sait très bien ce que deviennent des adolescents obèses.
Le Pr François Patou est chef du service de chirurgie générale et endocrinienne au CHRU de Lille. Pour lui « Etre un adolescent obèse, c’est l’assurance d’être obèse sévère adulte. Cette étude le confirme et en plus, on voit qu’ils meurent plus. La conclusion c’est qu’il faut traiter les adolescents, mais on ne dispose pas de beaucoup de moyens pour les traiter efficacement aujourd’hui. La chirurgie, on commence à en parler, mais on est quand même très réticent et il faut être vigilant. »

Le Pr David NOCCA est responsable du service Obésité au CHU Montpellier et partage le même avis suite à une étude qu’ils ont menée. Pour lui les jeunes sont les meilleurs candidats à la chirurgie bariatrique parce que l’obésité n’a pas encore fait trop de dégats.
Et les jeunes se remettent plus vite à l’activité physique, mais aussi envisagent un avenir professionnel. Et c’est vrai qu’on a de plus en plus tendance à proposer cette solution, mais bien évidemment après échec du traitement médical bien conduit , par des spécialistes. Et au bout de 3 ans des études ont montré que c’est même coût efficace.
Le BMI entre aussi dans la décision : il est le même chez l’enfant que chez l’adulte, soit 40, c’est à dire obésité massive grade 3. Mais il peut y avoir des dérogations en cas d’obésité grade 2 et d’un IMC à 35. De toute façons toute décision se prend au cas par cas , dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire car l’adolescent n’est pas un adulte et cumule à la fois les problèmes de l’obésité et de l’adolescence.
Souvent une sleeve
Les indications de la technique à utiliser restent floues : certains préfèrent la sleeve , c’est à dire la gastrectomie en manchon par coelioscopie, d’autres une technique réversible telle la pose d’un anneau gastrique. Mais c’est comme chez l’adulte, il n’y a pas de consensus.
En fait, la HAS commence à autoriser en quelques- sorte cette intervention, mais avec inquiétude, selon François Patou. En effet la CNAM est inquiète car cette chirurgie se fait en petits nombres dans de nombreux centres. Elle demande donc que cette chirurgie se réalise dans des centres spécialisés dans l’obésité, les CSO, qui ont un environnement expert mais aussi pédiatrique suffisant.
Au total, la chirurgie bariatrique est-elle souhaitable chez les jeunes ? Oui mais répond François Pattou : « Le parcours de soins n’a pas pour objectif d’aboutir systématiquement sur la chirurgie bariatrique et il est hors de question d’opérer tous les jeunes grands obèses. C’est surement une arme importante , mais elle doit être mise en place dans un dispositif intégré qui coordonne tous les aspects, avec une préparation très stricte et un suivi tout aussi strict.. Parce que sinon cela va marcher pendant 2 ans , c’est sûr, mais après il y a toutes les chances que cela ne résolve pas tout le reste ».









