Rhumatologie
Canal lombaire étroit : une opération limitée est le plus souvent suffisante
Dans le canal lombaire étroit symptomatique, rebelle, sur arthrose articulaire postérieure, la laminectomie suffit le plus souvent. L'ostéosynthèse est inutile, qu’il y ait un spondylolisthésis dégénératif associé ou non.
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Le canal lombaire étroit secondaire à une arthrose articulaire postérieure se manifeste par un lourd handicap chez le sujet âgé, avec une réduction parfois drastique du périmètre de marche en rapport avec une sciatique claudiquante.
Deux publications du New England Journal of Medicine viennent clarifier et alléger la prise en charge chirurgicale du canal lombaire étroit symptomatique, rebelle, en rapport avec une arthrose articulaire postérieure, qu’il y ait ou non un spondylolisthésis dégénératif. Avec un recul allant jusqu’à 6,5 ans de suivi, et une évaluation du résultat en aveugle, l’ostéosynthèse n’apporte aucun bénéfice supplémentaire par rapport à la laminectomie seule sur la lombalgie, le périmètre de marche et le score fonctionnel validé Oswestry.
Une claudication rebelle
La chirurgie de décompression par laminectomie a été associée de plus en plus souvent ces dernières années à une ostéosynthèse, avec une augmentation exponentielle des indications : la moitié des cas au total et 96% des cas avec spondylolisthésis dégénératif.
Face au risque potentiel de déstabilisation post-opératoire du spondylolisthésis dégénératif, une ostéosynthèse était considérée de bonne pratique en association à toute chirurgie de décompression, y compris pour les spondylolisthésis dégénératifs stables, dont le décalage d’alignement des murs postérieurs ne dépasse pas 3 mm.
Cette augmentation des ostéosynthèses s’est cependant faite sans aucune preuve d’un bénéfice de stabilisation supplémentaire du spondylolisthésis et au prix d’une iatrogénie non-négligeable (accidents cardiovasculaires et accidents vasculaires cérébraux 3 fois plus fréquents selon les données Medicare).
Deux études randomisées
Les 2 études ont porté sur des malades avec la forme la plus habituelle de canal lombaire étroit, c’est-à-dire que la sténose canalaire est limitée à 2 étages et qu’il n’existe pas d’instabilité rachidienne sur les clichés dynamiques.
Dans l’étude suédoise, 247 malades de 50 à 80 ans, souffrant d’un canal lombaire étroit, avec ou sans spondylolisthésis, ont été randomisés entre les 2 procédures. Dans l’étude américaine, ce sont 66 malades du même âge et souffrant d’un canal lombaire étroit avec spondylolisthésis dégénératif grade 1 (3 à 14 mm de glissement) qui ont été inclus.
Le suivi a été bien meilleur dans l’étude suédoise avec moins de perdus de vue et un suivi jusqu’à 6,5 ans.
Résultats concordants
Les résultats sont concordants dans les 2 études : alors que les malades ont bénéficié des dernières techniques de décompression et de fixation et que leur périmètre de marche s’est amélioré dans les 2 groupes testés, il n’y a pas de supériorité d’une technique sur l’autre sur les paramètres cliniques évalués, et en particulier le score d’Oswestry, le périmètre de marche et la lombalgie.
Par contre, l’ostéosynthèse a été associée à un léger surcroit de complications (perte de sang, infections…) et à une majoration des coûts (durée de l’intervention, longueur du séjour hospitalier…).
Dans l’étude suédoise, l’analyse a même pu être comparée entre le sous groupe sans spondylolisthésis et le sous-groupe avec spondylolisthésis et les différences n’ont pas non-plus été significatives.
La seule différence entre les 2 études concerne le taux de ré-intervention, celui-ci a été plus élevé dans l’étude américaine pour le groupe sans fixation, car il est usuel aux Etats-Unis de proposer une ré-intervention en cas d’absence d’amélioration clinique suffisante après laminectomie seule.
Stratégie plus claire
En pratique, la majorité des malades souffrant d’un canal lombaire étroit sur 2 étages et rebelles au traitement médical, peuvent bénéficier d’une simple décompression radiculaire par laminectomie, qu’il y ait ou pas un spondylolisthésis dégénératif. C’est une opération relativement simple et de courte durée, plus appropriée chez des malades souvent âgés.
L’ostéosynthèse n’est plus le gold standard du canal lombaire étroit dégénératif et elle devrait être réservée aux canaux lombaires étroits « compliqués » : instabilité prouvée sur les clichés de profil en flexion-extension, destructions vertébrales secondaires à des traumatismes, des tumeurs, des infections ou des déformations rachidiennes comme un spondylolisthésis congénital ou une scoliose de l’adulte, et enfin, sténose foraminale.
La tentation est grande pour les chirurgiens de vouloir le meilleur résultat anatomique possible et d’éviter tout risque de déstabilisation secondaire en faisant une fixation systématique en plus de la laminectomie. Malheureusement, en dehors de cas bien précis, cette stratégie plus invasive ne résiste pas à la réalité des faits : les malades ne marchent pas mieux, cela coûte plus cher, c’est plus risqué et, avec un recul de 5 ans, il n’y a pas plus de déstabilisations rachidiennes secondaires.








