Rhumatologie
Ostéoporose : intérêt potentiel d’un nouveau traitement ostéoformateur
Chez les femmes à risque élevé de fracture ostéoporotique, une nouvelle étude confirme la supériorité en traitement court du romosozumab par rapport à un traitement bisphosphonate de référence.
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Chez les femmes ménopausées souffrant d'ostéoporose et qui ont un risque élevé de fracture, le traitement par romosozumab, un traitement ostéoformateur, pendant 12 mois (suivi de 12 mois par l'alendronate à dose usuelles) réduit significativement le risque de fracture par rapport à l'alendronate seul (un traitement antirésorbeur) pendant 24 mois.
Ce sont les résultats de l’étude ARCH qui sont publiés dans le New England Journal of Medicine.
Efficacité antifracturaire élevée
Sur une période de 24 mois, le risque de nouvelles fractures vertébrales dans le groupe romosozumab-alendronate est de près de 2 fois inférieur à celui du groupe alendronate-alendronate (-48%) (P <0,001).
Des fractures cliniques sont survenues chez 198 des 2046 patients (9,7%) du groupe romosozumab-alendronate contre 266 patients sur 2047 (13,0%) dans le groupe alendronate-alendronate, soit une réduction de 27% du risque avec le romosozumab-alendronate.
Le risque de fractures non-vertébrales est inférieur de 19% dans le groupe romosozumab-alendronate par rapport au groupe alendronate-alendronate (178 sur 2046 patients [8,7%] contre 217 patients sur 2047 [10,6%]), P = 0,04) et le risque de fracture de la hanche est inférieur de 38% (41 sur 2046 patients [2,0%] vs 66 patients sur 2047 [3,2%] respectivement, p = 0,02).
Des évènements cardiovasculaires
La survenue des événements indésirables et des événements indésirables graves est équilibrée entre les deux groupes.
Au cours de la première année (romosozumab versus alendronate), des événements indésirables cardiovasculaires graves ont été observés statistiquement plus souvent avec le romosozumab qu'avec l'alendronate (50 patients sur 2040 [2,5%] contre 38 patients sur 2014 [1,9%]).
Au cours de la 2e année (alendronate dans les 2 groupes), des ostéonécroses de la mâchoire ont été observées une fois dans le groupe romosozumab-alendronate et une fois dans le groupe alendronate-alendronate. Une fracture fémorale atypique a été observée 2 fois dans le groupe romosozumab-alendronate et 4 fois dans le groupe alendronate-alendronate.
Une étude randomisée sur un an
Les auteurs ont recruté 4093 femmes ménopausées souffrant d'ostéoporose avec une fracture de fragilité. Ces femmes ont été randomisées avec un rapport de 1 pour 1 pour recevoir le romosozumab sous-cutané mensuel (210 mg) ou l'alendronate oral hebdomadaire (70 mg), en double-aveugle pendant 12 mois, avec un traitement alendronate la 2e année dans les deux groupes.
Les critères primaires d'évaluation étaient l'incidence cumulative de nouvelles fractures vertébrales à 24 mois et l'incidence cumulative des fractures cliniques (fractures vertébrales, non-vertébrales et symptomatiques). Les critères secondaires comprenaient l'incidence des fractures non-vertébrales et de la hanche. Les événements indésirables cardiovasculaires graves, une ostéonécrose de la mâchoire et des fractures atypiques du fémur ont été évalués.
En pratique
Le romosozumab est un anticorps monoclonal qui se lie à la sclérostine et qui, en l'inhibant, augmente la formation osseuse et diminue la résorption osseuse.
Le romosozumab a été développé sur la base de la découverte en 2001 que l’ostéosclérose, maladie génétique rare qui se manifeste par une densité osseuse élevée, est associée à une perte de fonction du gène SOST, le gène qui code pour la sclérostine (secondaire à une mutation). La sclérostine est produite par les ostéocytes, elle inhibe la formation osseuse et améliore la résorption osseuse, principalement en se liant aux protéines apparentées aux récepteurs des lipoprotéines de basse densité (LRP) 4, 5 et 6, les récepteurs des ligands Wnt.
Dans un essai clinique randomisé et contrôlé versus placebo sur trois ans (Étude sur la fracture chez les femmes ménopausées atteintes d'ostéoporose [étude FRAME]), un an de romosozumab augmente de 13% la densité minérale osseuse au niveau du rachis lombaire et réduit de 73% le risque de nouvelle fracture vertébrale. L'augmentation marquée de la densité minérale osseuse a été attribuée à une augmentation de la formation osseuse et à une diminution de la résorption osseuse.
Dans cette étude ARCH sur une période de 24 mois, le risque de nouvelle fracture vertébrale est 48% plus faible dans le groupe romosozumab-alendronate que dans le groupe alendronate-alendronate. Au moment de l'analyse primaire, les risques d'autres fractures sont significativement plus faibles dans le groupe romosozumab-alendronate que dans le groupe alendronate-alendronate, avec un risque moindre de fracture clinique (27%), de fracture non-vertébrale (19%) et de fracture de la hanche (38%).
Le problème est que, dans l'étude ARCH, on observe davantage d'effets indésirables cardiovasculaires graves avec le romosozumab qu'avec l'alendronate, alors que dans l’étude FRAME, l'incidence de ces événements était équilibrée dans les groupes romosozumab et placebo.
Un mécanisme explicatif possible à ce sur-risque cardiovasculaire pourrait être lié à un rôle de la sclérostine dans le fonctionnement du muscle lisse vasculaire, un concept issu d'études montrant que SOST est exprimé dans d'autres tissus dont le muscle lisse de la paroi artérielle aortique. Ainsi, l'inhibition de la sclérostine par le romosozumab pourrait potentiellement modifier le remodelage vasculaire qui est normalement induit par la voie de signalisation Wnt. Une autre possibilité serait que le médicament comparateur, l'alendronate, soit cardioprotecteur, cependant, plusieurs méta-analyses d'essais randomisés avec l'alendronate n'ont pas montré de diminution des événements cardiovasculaires. Enfin, le nombre d'événements indésirables cardiovasculaires est faible, et peut donc correspondre à une erreur statistique de type I.
Le romosozumab a une activité antirésorptive et une activité ostéoformatrice, ce qui amène à une réduction impressionnante des fractures avec seulement un an de traitement par rapport à l’alendronate (qui, il est vrai ne commence à réellement avoir une activité antifracturaire qu’au bout de 6 mois). Malheureusement, ce signal cardiovasculaire, même s’il est très faible ne peut pas conduire à son utilisation sans avoir ré-analysé les sous-groupes et refait une autre étude. Il est à noter qu’un autre anti-ostéoporotique ostéoformateur, l’odanacatib, un anti-cathepsine K, en dépit d’une excellente action anti-fracturaire, a été retiré par son promoteur au motif qu’il augmentait le risque d’AVC.
Le paysage de l’ostéoporose ne s’éclaircit pas encore et nous sommes obligés de continuer à utiliser essentiellement des antirésorbeurs (bisphosphonates et denosumab), et la parathormone dans certaines indications, ce qui ne va pas remotiver les malades et les médecins à reprendre la lutte contre l’ostéoporose, une maladie qui reste coûteuse, invalidante et parfois mortelle.








