Hématologie
Lymphome B diffus à grandes cellules : une approche chimio-free qui surclasse R-GemOx
Les lymphomes B diffus à grandes cellules (LBCL) en rechute ou réfractaires (R/R) constituent un contexte clinique à très haut risque, en particulier chez les patients inéligibles à une approche curative par autogreffe ou CAR-T. L’émergence d’immunothérapies « off-the-shelf », telles que les anticorps bispécifiques ou les conjugués anticorps-médicament (ADC), ouvre désormais la voie à des stratégies actives sans chimiothérapie intensive. Dans ce contexte, l’essai SUNMO évalue une stratégie entièrement immunologique associant le mosunetuzumab, bispécifique CD20xCD3, et le polatuzumab vedotin, ADC anti-CD79b, dans une population de LBCL R/R non éligibles à l’ASCT.
- Nemes Laszlo/istock
Chez les patients atteints de lymphome B diffus à grandes cellules (LBCL) en rechute ou réfractaire (R/R) et inéligibles à une stratégie intensive – autogreffe ou CAR-T – les options thérapeutiques demeurent restreintes et la survie reste faible (1). Dans cette situation, l’immunochimiothérapie R-GemOx a longtemps servi de standard palliatif, malgré une efficacité limitée et une toxicité importante (2).
L’essai de phase III SUNMO explore une alternative innovante, totalement dépourvue de chimiothérapie, combinant le mosunetuzumab, un anticorps bispécifique CD20xCD3, et le polatuzumab vedotin, conjugué anticorps-médicament ciblant CD79b (3). Cette association, administrable en ambulatoire, vise à offrir une option plus efficace, mieux tolérée et accessible aux patients ne pouvant recevoir de traitements intensifs.
Une population fragile et lourdement atteinte
L’essai SUNMO a inclus 208 patients atteints de LBCL R/R, randomisés selon un ratio 2:1 entre Mosun-Pola (n=138) et R-GemOx (n=70). La cohorte se caractérisait par un profil particulièrement défavorable, reflétant fidèlement la pratique réelle : 74 % des patients présentaient une maladie réfractaire primaire ou en rechute précoce (<12 mois), 50 % avaient un IPI de 3 à 5, et 19 % un lymphome de haut grade (HGBCL).
Par ailleurs, 41 % des patients étaient âgés de ≥65 ans, soulignant la fragilité de cette population souvent inéligible aux stratégies intensives. Les caractéristiques initiales étaient globalement bien équilibrées entre les deux bras, même si le bras Mosun-Pola comptait légèrement plus de patients avec une maladie bulky ou un performance status altéré.
La doublette Mosun-Pola surclasse R-GemOx !
L’essai SUNMO démontre une amélioration nette et statistiquement significative des deux critères primaires en faveur de Mosun-Pola. Le taux de réponse globale atteint 70 % contre 40 % sous R-GemOx, avec un taux de réponses complètes plus que doublé (51 % vs 24 %). La survie sans progression (SSP) est également prolongée, avec une SSP médiane de 11,5 mois sous Mosun-Pola contre 3,8 mois sous R-GemOx (HR 0,41 ; p<0,0001).
Ces bénéfices se retrouvent de manière homogène dans tous les sous-groupes analysés, y compris chez les patients âgés, ceux présentant un HGBCL ou une maladie chimio-réfractaire. La survie globale montre une évolution favorable en faveur de Mosun-Pola (18,7 vs 13,6 mois), bien que les données restent immatures. Cette supériorité clinique positionne fortement cette combinaison comme une alternative majeure au standard historique.
Moins de cytopénies, moins de neuropathies
Le profil de tolérance de l’association Mosun-Pola apparaît nettement plus favorable que celui de R-GemOx, en particulier concernant les cytopénies : les anémies de grade ≥3 sont réduites (5,9 % vs 19 %), tout comme les thrombopénies sévères (2,2 % vs 36 %). La fréquence de la neuropathie périphérique est également moindre (24 % vs 42 %), reflétant l’intérêt d’un schéma dépourvu de chimiothérapie lourde.
Les événements de syndrome de relargage cytokinique (CRS) concernent 26 % des patients, essentiellement de grade 1–2, avec moins de 5 % d’événements de grade ≥2 et un seul cas de grade 3 ; aucun épisode d’ICANS n’a été rapporté. Si les infections toutes grades sont légèrement plus fréquentes sous Mosun-Pola, les infections sévères restent rares et comparables entre les deux bras. Enfin, le taux d’arrêt lié à la toxicité demeure faible (2,2 %), confirmant la bonne tolérance globale de ce traitement.
Conclusion
L’essai SUNMO confirme la supériorité nette de l’association Mosun-Pola sur R-GemOx, avec des gains marqués en efficacité, une durée de réponse prolongée et une tolérance nettement améliorée. Le taux de CRS, faible et essentiellement de grade 1–2, souligne la bonne maîtrise de la tolérance du traitement. Cette approche courte, entièrement ambulatoire et sans chimiothérapie intensive représente une avancée majeure pour les patients atteints de LBCL R/R inéligibles à l’ASCT. Elle pourrait légitimement s’imposer comme un nouveau standard thérapeutique dans cette population à fort besoin médical.
Références
- Sehn LH, Gascoyne RD. Diffuse large B-cell lymphoma: optimizing outcome in the context of clinical and biologic heterogeneity. Blood. 2015;125(1):22-32.
- Ayers EC, Margolis D, Landsburg DJ. Real World Outcomes in Patients With Relapsed/Refractory Diffuse Large B-cell Lymphoma Receiving Palliative Intent Therapies. Clin Lymphoma Myeloma Leuk. 2020;20(10):661-7.
- Budde LE, Zhang H, Kim WS, Maruyama D, Rego EM, Norasetthada L, et al. Mosunetuzumab Plus Polatuzumab Vedotin in Transplant-Ineligible Refractory/Relapsed Large B-Cell Lymphoma: Primary Results of the Phase III SUNMO Trial. J Clin Oncol. 2025:JCO2501957.








