Stomatologie
Parodontite : le régime méditerranéen associé à une moindre sévérité
Une étude transversale relie une faible adhésion des parodontites plus sévères au régime méditerranéen ainsi qu’une consommation plus fréquente de viande rouge. Le signal inflammatoire systémique serait surtout porté par l’IL-6, suggérant un lien biologique au-delà du seul phénomène local.

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Maladie à la fois microbienne et hôte-dépendante, la parodontite entretient une inflammation locale susceptible d’alimenter l’inflammation systémique. Dans ce cadre, le rôle des habitudes alimentaires est de plus en plus exploré. Cette étude a inclus 200 patients hospitaliers évalués par examen parodontal complet, prélèvements sanguins et questionnaire de fréquence alimentaire. L’adhésion au régime méditerranéen a été dérivée du questionnaire, tandis que hs-CRP, MMP-8, IL-1α, IL-1β, IL-6, IL-10 et IL-17 étaient dosées.
Selon les résultats publiés dans le Journal of Periodontology, sur 195 dossiers complets, 112 participants déclaraient une forte adhésion au régime méditerranéen. L’analyse multivariée montre qu’une meilleure adhésion est associée à une moindre probabilité de parodontite stade III–IV (OR protecteur 0,35 ; IC à 95 % 0,12–0,89 ; p = 0,055), signalant un effet possiblement cliniquement pertinent malgré une significativité limite.
Le régime alimentaire protecteur dans plusieurs études
Au sein des groupes alimentaires, la consommation plus fréquente de viande rouge est indépendamment liée à des stades plus sévères (OR 2,75 ; IC à 95 % 1,03–7,41 ; p = 0,042). La sévérité parodontale s’associe, en analyse univariée, à l’élévation de hs-CRP et d’IL-6 ; après ajustement, seul le lien avec l’IL-6 persiste, soulignant le rôle pivot de cette cytokine dans l’interface osseuse et l’inflammation systémique.
Inversement, une consommation plus élevée d’aliments d’origine végétale (légumes, fruits, légumineuses, huile d’olive, céréales complètes) est corrélée à des niveaux plus bas de plusieurs biomarqueurs, incluant hs-CRP, IL-1α, IL-6, IL-10 et IL-17, ce qui renforce l’hypothèse d’un effet anti-inflammatoire nutritionnel. Une réduction de l’exposition à des matrices pro-oxydantes (viandes rouges, graisses saturées) pourrait participer à limiter stress oxydant, dysbiose sous-gingivale et production de métalloprotéinases impliquées dans la perte d’attache.
Quelle application pour la pratique ?
Il s’agit d’une étude transversale monocentrique, fondée sur 195 patients disposant d’un examen parodontal standardisé, d’un profil inflammatoire (plateforme ELLA pour six des sept biomarqueurs) et d’un questionnaire alimentaire validé. Les analyses de corrélation et une régression logistique multivariée ont testé l’association entre adhésion méditerranéenne, stades parodontaux et inflammation systémique. La validité interne est soutenue par l’ajustement sur facteurs de confusion majeurs ; néanmoins, plusieurs limites restreignent la causalité et la généralisabilité : taille modeste, design transversal, biais potentiels de mémorisation/portions liés au FFQ, déséquilibre du tabagisme entre niveaux d’adhésion alimentaire et population hospitalière susceptible de cumuler comorbidités.
Selon les auteurs, ces résultats encouragent à intégrer, au-delà du détartrage et des mesures antiplaque, des conseils nutritionnels : promouvoir un régime alimentaire de type méditerranéen, riche en végétaux et en lipides insaturés (huile d’olive), réduire la fréquence des viandes rouges et des aliments ultra-transformés, et cibler prioritairement les patients aux stades II–IV ou porteurs d’un terrain inflammatoire. Le dosage de l’IL-6 peut être envisagé comme marqueur d’accompagnement chez des patients à haut risque cardiométabolique, tout en gardant à l’esprit que la CRP ultrasensible n’est pas discriminante dans ce travail après ajustement. Chez les fumeurs, la synergie entre tabac et alimentation pro-inflammatoire impose un counseling combiné, le tabac pouvant masquer une partie de l’effet du régime.
En attendant d’autres recherches, la convergence des signaux (adhésion méditerranéenne protectrice, viande rouge défavorable, corrélations cytokiniques) justifie d’ancrer la nutrition dans la prise en charge parodontale comme levier accessible de réduction de l’inflammation locale et systémique.