Rhumatologie
Fracture atypique du fémur : le tériparatide est une option thérapeutique mal étayée
Le tériparatide, la séquence active (1-34) de la parathormone humaine endogène, donne des résultats peu étayés sur la consolidation des fractures atypiques du fémur survenant dans les suites d’un traitement bisphosphonate.
- GILE/SIPA
Il s’agit de la première étude avec des données histologique à montrer que, chez les patients atteints de fractures atypiques du fémur survenant sous bisphosphonate, un traitement par tériparatide améliore la densité minérale osseuse et les marqueurs de renouvellement osseux mais que l’effet sur la consolidation des fractures atypiques du fémur est peu étayé. Ces résultats, rapportés dans le Journal of Bone and Mineral Research, suggèrent une possible efficacité du tériparatide sans la démontrer formellement.
Des résultats discordants
A 24 mois, le traitement par tériparatide conduit à un turn-over des marqueurs biologiques plus élevé et une augmentation de la densité minérale osseuse au niveau de l’absorptiométrie lombaire (6.1% p <0.05) par rapport à l’inclusion, mais les effets sont modestes sur les autres paramètres de surveillance.
Surtout, les effets sur la guérison des fractures sont peu parlants : 6 patientes ont des fractures consolidées, 3 sont partiellement guéries, 2 sont inchangées et 1 a une pseudarthrose. Une femme a eu 2 fractures : la fracture qui s'est produite avant le traitement par tériparatide est guérie, mais celle qui est survenue sous tériparatide est seulement partiellement consolidée.
Doute sur la cause des fractures atypiques du fémur
L’explication habituellement avancée dans la survenue de fractures atypiques du fémur sous traitement bisphosphonate prolongé est qu'il y aurait une suppression exagérée du renouvellement osseux.
Dans cette perspective, le tériparatide avec son effet ostéoformateur et hyper-remodeleur, a été utilisé hors-AMM pour consolider ces fractures, en particulier celles détectées à un stade précoce.
Cependant, les biopsies osseuses trans-iliaques qui ont été réalisées dans cette étude n’ont pas permis de retrouver cette suppression exagérée du remodelage osseux ce qui affaibli le rationnel d’utilisation du tériparatide.
Une étude sur les fractures atypiques du fémur
Une étude prospective, en ouvert, a été organisée à partir de patientes qui avaient déjà été traitées par bisphosphonates et qui avaient une fracture atypique du fémur. Du fait de la rareté de ces fractures, 14 femmes de race blanche âgées entre 52 et 83 ans ont été recrutées à travers selon différentes modalités et via des annonces dans la presse régionale. Toutes les patientes avaient eu une fracture atypique du fémur dans les 12 mois suivant le dépistage et avaient été traités par bisphosphonates IV ou oraux avant la fracture.
À l’inclusion et à 12 et 24 mois, la densité minérale osseuse (DMO) a été mesurée par absorptiométrie à rayons X (DXA) au niveau de la colonne lombaire et de la hanche totale. Par ailleurs, le score osseux trabéculaire (TBS), les marqueurs de renouvellement osseux (BTM), la consolidation des fractures et l’analyse quantitative de l’architecture de l'os (biopsies osseuses de la crête iliaque) ont été réalisés. Dans l'ensemble, les participants avaient un large éventail de valeurs de référence de la DMO, de la BTM et du TBS.
En pratique
Bien que ces fractures atypiques du fémur soient sérieuses, elles sont assez rares (entre 1 pour 10 000 et 5 pour 10 000) et les risques après une fracture atypique du fémur sont inférieurs à ceux survenant après une fracture de la hanche ostéoporotique typique.
Les bisphosphonates sont des médicaments efficaces dans le traitement de l'ostéoporose au niveau fémoral mais aussi sur les autres os (vertèbres, humérus, poignet, côtes…). Leur prescription trop prolongée et/ou répétée a cependant été incriminée comme étant à l’origine de rares fractures atypiques du fémur.
Cette étude ouverte, et dont le recrutement est biaisé, ne permet pas de valider le mécanisme de blocage exagéré du remodelage osseux incriminé en cas de fractures atypiques du fémur survenant après un traitement bisphosphonate. L’intérêt mécanistique et l’efficacité du tériparatide pour consolider ces fractures atypiques du fémur restent donc douteux.
Le principal enjeu pour les médecins est donc d’expliquer aux patientes qu’elles doivent immédiatement consulter si une douleur antérieure et profonde de la cuisse apparaît et persiste sous un traitement bisphosphonate, surtout si celui-ci est prolongé. Dans ces circonstances, les médecins doivent faire faire une tomodensitométrie du fémur à la recherche des premières modifications osseuses qui pourraient suggérer une fracture atypique du fémur.








