Infectiologie
Covid-19 : un anticorps anti-phospholipide impliqué dans le risque de thrombose
Des chercheurs ont découvert qu’un auto-anticorps anti-phospholipides pourrait être à l’origine de la formation de caillots sanguins responsables d’accidents vasculaires cérébraux chez les patients atteints de la Covid-19.
- iLexx/iStock
Les malades hospitalisés pour une infection sévère Covid-19 ont un risque élevé de thrombose veineuse et artérielle mais, jusqu’à présent, les chercheurs en ignoraient précisément les raisons, même si quelques publications avaient fait état de la responsabilité de l'inflammation, des facteurs de risque et/ou d'une endothélite.
Dans une étude sur 172 malades hospitalisés pour Covid-19 et publiée dans la revue Science Translational Medicine, ils expliquent avoir découvert dans le sang l'un des anticorps anti-phospholipides chez 30 à 40% des malades hospitalisés, un anticorps auto-immun susceptible de provoquer la formation de caillots dans les artères, les veines et les vaisseaux microscopiques, ce qui augmente les risques d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les patients Covid-19.
Le syndrome des antiphospholipides
Outre chez les patients infectés par le SARS-CoV-2 ou d'autres germes, ces auto-anticorps se retrouvent aussi chez les patients atteints du syndrome des antiphospholipides, une maladie auto-immune chronique caractérisée par la formation récurrente de caillots sanguins dans les vaisseaux. Il existe classiquement trois types principaux d’anticorps antiphospholipides : l’anticoagulant circulant (ou anticoagulant circulant lupique), des anticorps anticardiolipine et des anticorps antibêta2-glyco-protéine de type I (b2GP1).
"Chez les patients atteints de la Covid-19, nous continuons à observer un cycle implacable et auto-amplificateur d'inflammation et de coagulation dans l'organisme, explique le Pr Yogen Kanthi, co-auteur de l’étude. Nous apprenons maintenant que les auto-anticorps pourraient être responsables de ce cycle de coagulation et d'inflammation qui rend encore plus malades des personnes qui luttaient déjà contre ces maladies."
Les chercheurs ont mesuré huit types d'anticorps anti-phospholipides dans des échantillons de sérum de 172 patients hospitalisés avec la COVID-19 : les IgG, IgM et IgA anticardiolipine, les IgG, IgM et IgA antiβ2 glycoprotéine I, et les IgG et IgM antiphosphatidylsérine/prothrombine (aPS/PT).
Un anticorps responsable d'un excès de coagulation
Rhumatologue à la Michigan Medicine School, le co-auteur Jason Knight étudie depuis des années les anticorps du syndrome des antiphospholipides dans la population générale. "La moitié des patients hospitalisés avec la Covid-19 étaient positifs pour au moins un des auto-anticorps, ce qui a été une surprise", reconnaît-il.
Selon les chercheurs, environ la moitié des patients ayant développé une forme grave de la Covid-19 : ils ont détecté des IgG aPS/PT dans 24% des échantillons de sérum, des IgM anticardiolipine dans 23% des échantillons et des IgM aPS/PT dans 18% des échantillons. Des auto-anticorps antiphospholipides étaient présents dans 52% des échantillons de sérum en utilisant le seuil du fabricant et dans 30% en utilisant un seuil plus strict (≥40 unités spécifiques ELISA). Les taux les plus élevés d'anticorps étaient associés à la détection de neutrophiles super-activés, les neutrophiles Nets, qui ont pour conséquence de détruire les globules blancs.
Pour comprendre ces effets de cette combinaison des neutrophiles et des anticorps antiphospholipides au cours de la Covid-19, les chercheurs ont injectés les anticorps purifiés dans un modèle murin. Résultat : "Les anticorps des patients atteints d'une infection active par la Covid-19 ont créé une quantité impressionnante de caillots chez les animaux - certains des pires caillots que nous ayons jamais vus", affirme le Pr Kanthi, qui explique avoir aussi découvert un nouveau nouveau mécanisme par lequel les patients touchés par le nouveau coronavirus peuvent développer des caillots sanguins.
D’autres études en cours
Si les résultats de l’étude ne permettent pas encore d'affirmer la responsabilité de ces anticorps entiphospholipides (injecter des anticorps humains en masse à des souris peut sans doute provoquer des thrombose et les antiphospholipises observés au cours des infections aiguës sont généralement peu thrombogènes), ils permettent néanmoins de mieux comprendre les phénomènes de thrombose et d’inflammation avec hyperactivité des plaquettes qui surviennent chez les patients atteints de Covid-19. La prochaine étape consistera à savoir si les patients gravement malades et ayant des niveaux élevés de ces anticorps auraient de meilleurs résultats cliniques si les anticorps étaient bloqués ou éliminés. "Nous ne savons pas encore ce qui pousse l'organisme à produire ces anticorps, la prochaine étape consisterait donc à mener des recherches supplémentaires pour identifier les déclencheurs et les cibles des anticorps", ajoute le Pr Knight.
Les chercheurs mènent en parallèle un essai clinique randomisé pour tester un agent anticoagulant bien connu, le dipyridamole, chez des patients atteints de la Covid-19 afin de déterminer s'il est plus efficace qu'un placebo pour réduire l'excès de caillots sanguins (le traitement actuellement validé est l'héparine à dose efficace - NDL). "Le dipyridamole est un vieux médicament qui est sûr, peu coûteux et évolutif. La FDA l'a approuvé il y a 20 ans pour prévenir la coagulation, mais nous n'avons découvert que récemment son potentiel pour bloquer ce type spécifique d'inflammation qui se produit dans la Covid-19."











