Pneumologie
Fausse route et exacerbation de BPCO : un lien possible
Les troubles de la coordination entre respiration et déglutition pourraient être une cause méconnue et potentiellement curable d'exacerbations au cours de la BPCO. D'après un entretien avec Christophe Delclaux.
- coolfonk/epictura
Il y a quelques années déjà, une association avait été faite entre des troubles de la déglutition et la survenue d’exacerbations de BPCO. L’étude actuelle publiée dans le BMJ open revient sur cette association, trouble de la coordination entre respiration et déglutition et exacerbations au cours de la BPCO. Mais elle utilise cette fois-ci une méthodologie moins invasive qui repose sur un dispositif que les auteurs ont mis au point : un capteur de flux nasal relié à un système permet d’enregistrer le bruit de la déglutition et les mouvements du larynx avec les moments de la déglutition. Ce système a permis d’évaluer chez des patients atteints de BPCO ce que les auteurs décrivent sous le terme de « trouble de la coordination entre la déglutition et l’inspiration ». Ils ont ainsi pu déterminer si ce défaut de coordination était plus fréquent dans cette population que chez des sujets sains, et d’autre part, s’il était associé avec la survenue d’exacerbations chez ces patients.
Inspiration avant ou après déglutition
Les 65 patients inclus ont une BPCO stable avec 0,37 exacerbation annuelle. Ils ont ingurgité différents types de nourriture à risque plus ou moins marqué de fausses routes. Ils n’ont pas de trouble apparent de la déglutition. Cependant, à l’enregistrement de leur déglutition, il a été possible de voir s’ils avaient un trouble de la coordination caractérisé essentiellement par la présence d’une étape d’inspiration soit juste avant, soit juste après la déglutition, à la place du mouvement respiratoire normal qui, dans ce cadre, est une expiration.
Les auteurs ont ainsi pu mesurer la fréquence des discoordinations déglutition-respiration par rapport à l’ensemble des manœuvres de déglutition qu’ils leur ont fait faire. Ils ont ainsi pu déterminer si la fréquence des déglutitions associées à l’inspiration était plus importante chez les patients qui avaient présenté une exacerbation dans l’année précédente ou l’année suivante d’une part, et d’autre part, s’il y avait un caractère prédictif de ce profil de déglutition par rapport au risque de survenue ultérieure d’une exacerbation de BPCO.
Discoordination et exacerbation
Résultats : les patients BPCO qui avaient présenté au moins une exacerbation pendant une période de 2 ans présentaient plus fréquemment des épisodes de « déglutition associée à l’inspiration » que les sujets qui n’avaient pas présenté d’exacerbation. Les auteurs ont ensuite recherché les corrélations entre la fréquence de la déglutition et l’inspiration avec celle des exacerbations. Ils ont pu mettre en évidence que la présence d’une inspiration associée à la déglutition est effectivement liée au risque d’exacerbation, y compris dans un modèle multivarié incluant des paramètres fonctionnels respiratoires comme le VEMS ou la distension dynamique. Tels sont les résultats principaux de cette étude.
En conclusion, la discoordination entre la déglutition et la respiration est associée essentiellement à un risque de fausse route et donc au risque d’exacerbation de BPCO. Faut-il alors dépister cette anomalie chez les BPCO, et si elle est identifiée, peut-on la corriger ? Les auteurs ne peuvent répondre à cette question, l’hypothèse formulée étant qu’une prise en charge orthophonique permettrait de corriger ce trouble. Mais il n’y a pas assez d’arguments à ce jour pour valider cette hypothèse et montrer que l’on peut améliorer la coordination inspiration-déglutition chez des patients atteints de BPCO.
Il n’en demeure pas moins pour Christophe Delclaux, responsable de l'unité fonctionnelle, hôpital Robert Debré à Paris, qu’il serait intéressant dans la pratique quotidienne d’interroger spécifiquement les patients exacerbateurs fréquents sur la présence de fausse route lors des prises alimentaires. Et si aucune conduite à tenir spécifique n’est encore validée, il serait judicieux de prendre un avis auprès des collègues d’ORL ou de neurologie.












