Onco-Digestif
Adénocarcinome pancréatique : premiers résultats de l’escalade de dose par IRM-Linac
Le rôle de la radiothérapie dans le traitement des cancers du pancréas reste incertain. Plusieurs essais de phase III ont échoué à montrer un bénéfice en termes de survie de l’ajout d’une chimioradiothérapie à une chimiothérapie pour les tumeurs localement avancées. Ces résultats décevants pourraient être expliqués par une dose d’irradiation insuffisante pour être tumoricide. La radiothérapie adaptative guidée par l’IRM (SMART) permet une escalade de dose en améliorant la protection des tissus sains.
- Smederevac/iStock
L’étude SMART est un essai prospectif de phase II multicentrique incluant des patients avec un adénocarcinome pancréatique borderline ou localement avancé ayant reçu au moins 3 mois de chimiothérapie d’induction sans progression tumorale, avec un CA19-9 < 500 et traités par SMART (1). L’objectif principal était le taux de toxicités aigües de grade > 3 définitivement causées par la radiothérapie. L’hypothèse statistique était une réduction à 90 jours de 15,8 % (taux retrouvé dans les séries historiques) à 8 %. Les objectifs secondaires étaient le taux de survie globale 2 ans après le diagnostic, le taux de survie sans métastase à distance à 6 mois et la qualité de vie à 3 mois et 12 mois après SMART.
L’étude SMART
Entre janvier 2019 et janvier 2022, 136 patients ont été inclus dans 13 centres. Plus de la moitié (57 %) avaient une tumeur localement avancée. Ils avaient reçu une chimiothérapie d’induction pour une durée moyenne de 4,5 mois avec majoritairement du FOLFIRINOX (82 %). Ils ont tous eu une irradiation stéréotaxique avec adaptation quotidienne sur IRM-Linac (Stereotactic magnetic resonance-guided adaptive radiation therapy, SMART) à la dose de 50 Gy en 5 fractions (dose biologique équivalente = 100 Gy). 93 % des séances étaient adaptées. Trente-trois patients (24 %) ont reçu de la chimiothérapie après la SMART. Quarante-sept patients (35 %) ont eu une résection chirurgicale secondaire avec 81 % de marges R0 et 6 % de stade ypT0. Ils avaient majoritairement une tumeur borderline au diagnostic (74,5 %).
Une très bonne tolérance
La toxicité aigüe était divisée en 3 catégories : « possiblement due à la SMART », « probablement due à la SMART » et « définitivement due à la SMART ». Le taux global de toxicité aigüe de grade 3 ou plus était de 8,8 % (6,6 % possiblement due à la SMART, 2,2 % probablement due à la SMART et 0 % définitivement due à la SMART). Il s’agissait de douleurs abdominales (n = 6), hémorragie (n = 4), diarrhée (n = 1), et une fuite chyleuse après chirurgie (n = 1). A noter, deux décès toxiques, tous deux après chirurgie : un saignement de l’artère gastroduodénale 5 semaines après la chirurgie et 11 après la SMART et une hémorragie en cours de chirurgie 8 semaines après SMART. Le taux de toxicité digestive tardive de grade > 3 était de 19,8 % (14,5 % possiblement due à la SMART, 5,3 % probablement due à la SMART et 0 % définitivement due à la SMART) avec un décès toxique dû à un ulcère hémorragique.
Des résultats encourageants en termes de survie
Avec un suivi médian de 23 mois depuis le diagnostic (14 mois depuis la SMART), la médiane de survie globale était de 22,8 mois depuis le diagnostic et 14,2 mois depuis la SMART (2). Le taux de survie globale à 2 ans était de 53,6 % depuis le diagnostic et 40,5 % depuis la SMART. Les patients ayant été opérés avaient un taux de survie globale à 2 ans significativement plus élevé (67 % versus 26 % ; p < 0,001). Le taux de contrôle local à 2 ans était de 78 %. Le taux de survie sans métastase à distance à 6 mois était de 72 %.
Conclusion
Ces premiers résultats prospectifs de l’escalade de dose grâce à la SMART sont encourageants avec une très bonne tolérance et une médiane de survie prolongée. Pour mémoire, celle-ci était de 16 mois après chimiothérapie d’induction et chimioradiothérapie normofractionnée dans les essais de phase III LAP07 et CONKO-007 (3, 4). Cependant, la population incluse dans cette étude était de meilleur pronostic avait 43 % de tumeurs borderline. Nous aurions d’ailleurs pu nous attendre à un taux de résection plus élevé dans cette population (habituellement de 60 à 70 % après traitement néoadjuvant pour les tumeurs borderlines). Les deux décès toxiques survenus chez des patients opérés doivent nous rendre prudents. Ce type de schéma avec escalade de dose semble surtout intéressant pour les tumeurs localement avancées. Il est d’ailleurs en cours d’évaluation dans l’essai de phase III LAP-ABLATE (NCT05585554) dans lequel des patients avec un cancer du pancréas localement avancé sont randomisés entre une chimiothérapie par FOLFIRINOX et une chimiothérapie par FOLFIRINOX associée à une SMART à la dose de 50 Gy en 5 fractions. Les résultats de cet essai permettront de conclure définitivement sur la place de la radiothérapie pour ces tumeurs.











